Du chantier au chanté

BERLIN, 27 juin (AFP) - Le prestigieux opéra berlinois Deutsche Oper présentera samedi Saint François d'Assise du compositeur français Olivier Messiaen, exceptionnellement mis en scène par l'architecte américain Daniel Libeskind. À l'origine, Daniel Libeskind, 56 ans, concepteur du nouveau Musée juif de Berlin, avait été simplement engagé pour la création des décors et des costumes. La mise en scène avait été confiée au chorégraphe autrichien Johann Kresnik, 62 ans. Mais les deux hommes ne sont pas parvenus à travailler ensemble « en raison de leurs différends esthétiques ». Et Libeskind, qui a étudié la musique avant de se lancer dans l'architecture, s'est ainsi retrouvé tout seul à mener jusqu'au bout le projet. Jusqu'ici, il n'a jamais mis en scène d'opéra. Le chef d'orchestre est une étoile montante, le jeune Marc Albrecht.

Un opéra complexe
Saint François d'Assise, l'unique opéra composé par Olivier Messiaen, a été très peu joué depuis sa première mondiale à Paris en 1983. Représenté uniquement à trois reprises au Deutsche Oper, il fait partie des plus difficiles œuvres d'opéra du XXe siècle : il dure cinq heures, nécessite un orchestre de 150 musiciens, un nombre identique de choristes et sept chanteurs principaux. La partition, très inhabituelle, comprend une vaste panoplie d'instruments à corde, vingt-deux instruments à vent, seize cuivres et, fait sans précédent, plus de quarante percussions différentes, telles trois ondes Martenot, un instrument électronique exotique, utilisé dans d'autres œuvres de Messiaen (1908-1992). Ce fervent catholique, qui déclarait avoir « toujours été croyant, tout simplement », considérait son opéra comme la « synthèse de ses inventions en matière de musique ».

Le chant des oiseaux
Membre de plusieurs sociétés ornithologiques, Messiaen a parcouru le monde, notant passionnément les chants et inflexions des oiseaux les plus rares pour les traduire ensuite dans sa musique. Partie intégrante de son univers sonore, les chants d'oiseaux, matériau mélodique naturel, émaillent, sous forme de citations, bon nombre de ses partitions. Pour préparer son opéra, Messiaen s'est même rendu à Assise (centre de l'Italie) pour étudier le chant des oiseaux locaux. « Je voudrais que le public soit ébloui par mon opéra », avait-il déclaré dans un entretien publié peu avant la présentation de son œuvre au festival de Salzbourg en Autriche. Messiaen a commencé la composition de Saint François d'Assise en 1975 et l'a achevée en 1983, à 75 ans. Le livret dépeint la fin de la vie de saint François par une série de huit scènes très peu conventionnelles. Dans la première scène, saint François évoque auprès d'un autre moine la joie de la souffrance du Christ. Dans la troisième, il surmonte son dégoût pour un lépreux et le guérit en l'embrassant. À la cinquième, un ange lui chante une sérénade, tandis qu'à la sixième, Saint François tient un prêche aux oiseaux. Dans la septième scène, il reçoit les stigmates et dans la huitième et dernière, il meurt.

par Simon MORGAN

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