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Expositions

Cadavres, mes amis

Le musée Fragonard accueille pour la première fois des œuvres d’art actuel : rude challenge pour le jeune artiste Louis Rollinde dont les œuvres voisinent avec des squelettes et autres viscères en bocaux  !


Écorché de Fragonard.
Photo : Françoise Monnin
Il faut dire que son univers curieux, constitué d’objets modelés en résine, de boîtes vitrées et de peintures presque monochromes, se marie bien avec l’ambiance désuète, extraordinaire, du musée, fameux pour sa collection d’écorchés ; soit une invraisemblable série de cadavres disséqués, puis momifiés, à la fin du XVIIIe siècle, par le cousin du peintre Fragonard. Parmi les têtes de veaux hydrocéphales, entre la colonne vertébrale d’un python rose et l’estomac « insufflé et séché » d’un dromadaire, il faut être vigilant pour repérer les trois séries d’œuvres de Rollinde. Ici, des peintures à l’huile sur toile, presque entièrement noires, tout juste animées de zones vierges qui évoquent des clichés échographiques, sont réunies dans un grand cahier, présenté sur un vieux pupitre en chêne. Là, des boîtes métalliques alignées, aux couvercles de verre opaque, renferment des sculptures aux allures d’octopus vulgaris. « Il paraît que l’artiste fait frire ses sculptures dans de l’huile avant de les enfermer », explique le gardien, M. Euphrasie.


Détail d’une série de Céphalopodes
de Louis Rollinde, 2002
Photo : Françoise Monnin
Zoo bizarre
Au fond du musée, juste derrière les célèbres écorchés, deux vitrines contiennent des séries de pieuvres miniatures, soigneusement modelées. Comme les Météorites et les Champignons précédemment exposés par l’artiste, chacun de ces Céphalopodes interroge les notions d’hydratation, de mycoses, et tout ce qui menace le corps devenu mort. C’est inquiétant et cependant furieusement poétique tant l’économie des couleurs, la précision de la mise en scène et la subtilité des effets graphiques sont conjugués avec méticulosité. Il est ici question d’une bien étrange autopsie de l’existence. Quant au fascinant musée de l’École vétérinaire, son prochain déménagement, dans un bâtiment voisin, tout aussi ancien mais somptueusement réaménagé, avec le soutien financier de l’entreprise EuroDisney, a de quoi inquiéter...


 Françoise Monnin
29.06.2002