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Quand Rodin triomphait à Prague

Lors de la rétrospective de 1902, le sculpteur est accueilli comme une diva dans la capitale bohême. Le photographe Rudolf Bruner-Dvorak immortalise son périple.


Rudolf Bruner-Dvorak, Auguste Rodin
à Prague
, 1902. © Cabinet d’art
graphique du Musée Rodin.
En 1901, Auguste Rodin est invité par la Sécession viennoise, puis par la Sécession berlinoise, enfin à l'Exposition internationale de Dresde : il peut alors juger de son aura dans le monde germanique. Max Liebermann n'hésite pas à proclamer alors qu'il est « le seul génie contemporain parmi les artistes français ». Quand il est invité l'année suivante à Prague il n'hésite pas une seconde. Sa réputation l'a depuis longtemps précédé : pour marquer d'une pierre blanche sa fondation en 1898, la grande revue d'art Volné Smery (Nouvelles Orientations), organe de l’association Manes, présidée par le talentueux sculpteur Stanislav Sucharda (l'un des représentants les plus connus de l'Art nouveau), lui a consacré un numéro spécial. C'est alors que germe l'idée d'une importante rétrospective qui serait présentée dans la capitale de la Bohême.

Bain de foule
Deux émissaires sont envoyés à Meudon en octobre 1900 pour plaider cette cause : l'homme de lettres Milos Jiranek et le peintre Arnost Hofbauer. Ils sont frappés par « l'affabilité de Rodin et son inépuisable bonté ». Jiranek écrit un important essai sur le créateur des Portes de l'Enfer à son retour et les préparatifs de cette manifestation vont bon train puisqu'en mai 1902 quatre-vingt-huit sculptures et soixante-quinze dessins sont installés dans le pavillon construit pour l'occasion par l'architecte Jan Kotera. Rodin se rend à Prague peu après l'inauguration accompagné par Alphonse Mucha, et ses amis Vacha et Maratka. C'est un voyage mémorable : il est porté en triomphe dans les rues de la ville et est reçu comme l'un des plus grands hommes de son temps.

Un voyage gravé à jamais...
L'exposition est concise mais d'une grande richesse. Outre les documents concernant ce périple mémorable - qui marque le début de relations culturelles très fructueuses entre Paris et Prague au début du XXe siècle - on peut y voir le grand reportage photographique de Rudolf Bruner-Dvorak, qui enregistre chaque moment de son séjour dans la ville de Rilke (qu'il rencontrera à son retour en France) et son petit périple en terre morave. Chaque déplacement de l'artiste, chaque événement le concernant a été enregistré sur les plaques de ce photographe remarquable et nous donne la mesure du premier rapprochement entre deux mondes dont les relations étaient encore modestes.


 Gérard-Georges Lemaire
14.09.2002