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Sasha Waltz, construire la danse

La jeune chorégraphe allemande, qui entretient des liens étroits avec l’architecture, présente sa dernière création au Palais des Papes, à Avignon.


Zweiland photo Matthias Zolle
Fille d’architecte, Sacha Waltz explore sur scène des thèmes surprenants, à partir d’une scénographie, tantôt joyeuse, tantôt grave. Dans Zweiland (1997), elle met en scène un état des lieux métaphoriques de l’Allemagne, divisée puis réunifiée. Sa dynamique est de l’ordre du montage, son esthétique composite, héritée du Tanztheater allemand. Dernièrement, Sasha Waltz a élaboré un travail sur le corps : celui du danseur dans l’espace et, plus largement, de l’homme dans notre société contemporaine. L’expérience a débuté en 1999 avec Körper, pièce dans laquelle la couleur noire dominait. Un plateau dénudé, une structure fragmentée qui dissèque tous les idiomes du corps et de ses représentations, sont là pour révéler le travail souterrain de la mémoire collective de l’Holocauste. L’artiste avait initié cette démarche par une représentation/occupation de l’extension du Musée d’art juif de Berlin, réalisé par l’architecte Daniel Libeskind. L’architecture fortement symbolique, chargée d’histoire, était conçue comme un espace complexe parcouru par les visiteurs côtoyant les danseurs en représentation.


Nobody photo Tristan Valès
Dans Körper, la chorégraphe poursuit la même ligne abstraite et donne à voir le jeu complexe de la sexualité. Sur fond de paysages d’Eden, l’approche se révèle plus poétique, mais parfois violente. Le troisième acte NoBody est présenté en avant-première à Avignon. Refait cet hiver par Guy-Claude François, le plateau offre une vision panoramique : sans grande profondeur de champ et incluant un rapport facial au public, celui-ci se rapproche de celui du Théâtre de la Ville à Paris. Sasha Waltz occupe la verticalité de l’imposante façade intérieure du Palais des Papes, investissant les ouvertures par un jeu de lumières et des radiographies de danseurs incrustées dans la paroi. Un énorme cube en toile blanche se gonfle en cours de spectacle, suspendu au-dessus de la tête des danseurs et contrebalançant le vide angoissant de la Cour d’honneur. Puis, l’objet se détache et évolue sur scène, avalant et recrachant les acteurs. NoBody est le versant positif de Körper. La boucle est bouclée.


 Rafaël Magrou
10.07.2002