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Marché

J’ai du bon tabac...

Depuis une dizaine d’années, les tabatières chinoises suscitent l’engouement des collectionneurs.


Tabatières chinoises, XVIIIe et XIXe
siècles. © Robert Hall Gallery.
À travers les flacons-tabatières, c’est tout le savoir-faire des artisans chinois de la dynastie Qing (1644-1911) qui s’exprime. Ces petits flacons de 4 à 8 cm, fermés hermétiquement par un bouchon prolongé d’une pelle servant à extraire le tabac utilisent en effet une immense variété de matériaux et de techniques. Mieux adaptées à la conservation de la précieuse poudre, ces tabatières ont rapidement supplanté les contenants européens qui avaient servi à l’introduction du tabac en Asie, à la fin du XVIe siècle. En effet, en Chine, fumer était considéré comme répréhensible alors que priser était paré des vertus thérapeutiques. Cette mode, d’abord réservée à l’élite de la cour impériale de Pékin, s’est étendue à l’ensemble des couches sociales dès la fin du XVIIIe siècle. Ce faisant, la production de ces objets utilitaires, souvent utilisés en guise de pots-de-vin, s’est diversifiée et a progressé jusqu’en 1912, année de l’établissement de la République et de la disparition de cette pratique au profit des très occidentales cigarettes.

Une redécouverte récente
Au début du XXe siècle, quelques grandes collections européennes ont vu le jour : celles de Grandidier à Paris ou d’Alfred Baur à Genève. Pourtant, comme nous l’explique le galeriste londonien Robert Hall, « ce marché existe uniquement depuis 35 ans et un important travail a été mené durant les vingt dernières années pour attirer l’attention sur la qualité de ces objets. Il a été réalisé par trois ou quatre grands collectionneurs, par des galeristes et par les maisons de ventes de Londres, New-York et Hong-Kong ». Contrepartie de cette reconnaissance, les pièces se sont raréfiées et leurs prix ont largement augmenté. Un phénomène constaté par Bertrand de Lavergne, le seul Français parmi les quarante professionnels internationaux que compte la Chinese Snuff Bottle Society : « Depuis dix ans, il n’est plus question de les “chasser” dans les brocantes si on veut éviter le risque de tomber sur des faux. Pour avoir des garanties, il faut aller dans les salles de ventes renommées ou dans une trentaine de galeries spécialisées, en sachant que les prix vont de 450 € à 23 000 €, sur le marché français, et qu’ils peuvent atteindre 450 000 € sur le marché international ». Le record mondial a été établi en novembre 1990 par Sotheby’s avec une superbe pièce en jade adjugée 4,7 millions HK$ (608 100$). Mais parmi les succès récents, on peut évoquer la tabatière emportée pour 171 650 £ (273 067 €) chez Christie’s, à Londres, le 18 juin dernier. « Elle a été sculptée dans les ateliers de Suzhou autour de 1800 et portait la signature d’un maître, Shixiang », explique Michael Bass du département chinois de Christie’s à New York. « Qui plus est, c’est une pièce en néphrite noire et blanche avec un bel effet de camée, un type d’objet qui atteint aujourd’hui des prix très importants, après le goût pour les jades verts, il y a une quinzaine d’années ».


 Zoé Blumenfeld
08.01.2003