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Voir Venise et peindre

Filippo Pedrocco, conservateur de la Ca’ Rezzonico, le musée du XVIIIe siècle vénitien, recense les grands védutistes de la lagune.

Canaletto ? Il est bien sûr là, immanquable chroniqueur des architectures entre ciel et canaux. Ce sont les voyageurs anglais du Grand Tour et notamment Joseph Smith, le consul qui leur servait d’agent, qui firent sa réputation. A tel point que Canaletto s’en alla passer quelques années à Londres pour répondre aux commandes de ses collectionneurs. Il mit au point une organisation efficace d’atelier pour produire en grande série, avec utilisation systématique de la chambre obscure. Son succès dut lui monter à la tête : «Le personnage est très difficile et change les prix chaque jour» écrit un envoyé du duc de Richmond. Ses vues tardives sont d’ailleurs peu goûtées des amateurs : stéréotypées, mécaniques, elles sont des chromos avant l’heure. En garde rapprochée, on trouve Francesco Guardi, son toucher «atmosphérique», ses caprices aux angles originaux, et Bernardo Bellotto, avec ses contours coupants, comme dessinés à l’acide, lequel connaîtra une belle carrière auprès des princes allemands.

Créer ou copier ?
L’ouvrage permet de sortir des limbes des artistes trop souvent écrasés par ce triumvirat. Il y a là le «naïf» Gabriele Bella, qui croque les bals, les foires et les jeux de force. Il y a Michele Marieschi, attentif à la vie sur les campi et au travail des portefaix sous le pont du Rialto. Marieschi aime les couleurs saturées, les scénographies oppressantes, le mouvement. Mais il y aussi des noms peu connus, le Maître de la Langmatt, Antonio Joli, Jacopo Fabris, Giovan Battista Cimaroli, Francesco Tironi. Et des personnages curieux comme Giacomo Guardi, falsificateur des œuvres du géniteur Francesco, ou Giuseppe Bernardino Bison, qui copiait des gravures de Canaletto ou d’autres maîtres, reproduisant donc la scène initiale… à l’envers.


 Rafael Pic
13.07.2002