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Expositions

Aux frontières du réel

Par la qualité des œuvres présentées et les enjeux esthétiques qu’elle met en évidence, « Subréel » est une des expositions d’art contemporain les plus intéressantes de ces derniers temps.


Laurent Montaron, Somniloquie, 2002
photographie 180 x 220 cm, meuble,
platine, disques vinyles
collection de l’artiste, Paris
MARSEILLE. Conçue par Nathalie Ergino, la directrice du Musée d’art contemporain, et par François Piron, fondateur et membre du comité de rédaction de la jeune revue Trouble, « Subréel » propose un décryptage du couple réel/imaginaire. Au-delà des effets spectaculaires, il s’agit pour les dix-huit artistes de remettre en question, par des processus scientifiques, psychanalytiques ou encore contemplatifs, la perception de la réalité. Les œuvres se détachent de toute problématique historique ou politique. Elles reflètent une époque où une approche commune du réel semble devenue aléatoire. Hors des réponses habituelles apportées à la question de la surmédiatisation globale de la réalité et de la perte des repères spatio-temporels et identitaires, ces œuvres s’imposent par leur plasticité.

Entre hypnose et fantastique
Le parcours commence avec Light Corner, une installation de Carsten Höller qui reprend la cadence de l’activité neuronale humaine dans une oscillation d’ampoules électriques couvrant deux murs d’angle. Ce procédé, à la limite de l’hypnose, se retrouve de manière assez proche dans la projection de cyberlight à travers un brouillard artificiel d’Ann Veronica Janssens. Ou encore dans un film de Tacita Dean qui a enregistré le rayon vert apparaissant lorsque le soleil disparaît de l’horizon que Rohmer avait déjà essayé d’emprisonner. Les œuvres les plus captivantes sont celles qui relèvent d’un imaginaire débridé : Somniloquie de Laurent Montaron et Consolation service d’Eija-Lisa Ahtila. Le premier propose d’écouter des individus qui parlent pendant leur sommeil. L’imaginaire est-il forcément visuel ? C’est ce que semble confirmer la seconde artiste dans un de ses plus beaux films, empreint de fantastique. « Subréel » évite brillamment deux écueils redoutables : la complaisance et le formalisme.


 Frédéric Maufras
25.09.2002