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Expositions

Des naïfs très bohêmes

L’art brut tchèque dévoile quelques trésors à la Halle Saint-Pierre. Mais l’histoire de ce courant reste à écrire...


Eva Droppova, Sans titre, 1992,
tempera sur papier, émail, 41 x 30 cm
© Halle St-Pierre.
PARIS. «L’art se plaît à naître aussi d’une terre pauvre, qui n’est pas particulièrement imprégnée des couches de fumier culturel» : ce n’est pas Dubuffet, célèbre théoricien de l’art brut à la fin des années 1940 à Paris, qui écrit cela, mais l’écrivain Capek, dès 1920, à Prague. L’exposition dévoile un ensemble de dessins et de peintures, jamais montrés en France, et de textes, traduits du tchèque pour la première fois. Au fil des trois cents œuvres de trente-quatre artistes, que d’éblouissements ! Depuis le XIXe siècle, leurs auteurs, considérés comme des spirites ou des malades, ont fait preuve d’imagination. Lignes organiques, entrelacs virtuoses, allures de mandalas, beaucoup de ces images en évoquent d’autres, conservées dans les collections d’art brut du monde.

Des trésors mis au jour
Parmi ces artistes, à part Zemankova, rien que des inconnus ! Les crayons de papier signés Havlicek n’ont cependant rien à envier au mystère des statues de l’Île de Pâques. Les orchidacées et autres motifs conchoïdaux imaginés par Kotzian peuvent être avantageusement comparés aux féeries du photographe Karl Blossfeldt. Autant de trésors mis à jour grâce au travail de rares spécialistes, auteurs du catalogue de l’exposition. On y apprend combien l’Empire austro-hongrois, puis l’époque nazie et le régime communiste, ont étouffé à Prague, et aux alentours, un vaste ensemble de créations. En dépit de cela, dès 1907, dans le nord de la Moravie notamment, l’art spirite s’est remarquablement épanoui. Malgré l’opposition de l’Église qui, en 1992 encore, considérait cet art «décadent».


 Françoise Monnin
16.09.2002