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Expositions

Beckmann, l’homme qui souffre

Enfin présentée à Paris, l’œuvre de l’expressionniste allemand frappe par son pessimisme.


Max Beckmann, Autoportrait
en clown
, 1921, h. s. t.,
100 x 59 cm, Heydt Museum.
© ADAGP, 2002, Paris.
PARIS. L’Autoportrait avec cigarette de 1947, qui accueille le visiteur, ne sourit pas. La main est sommaire. Mais le regard accusateur, pareil à celui de tous les autoportraits de Beckmann, fascine. Une projection d’archives cinématographiques de la Première Guerre mondiale introduit ensuite l’exposition : l’artiste a 30 ans lorsqu’il s’engage dans l’infirmerie militaire allemande. Adieu, leçons classiques des beaux-arts de Weimar et rêve moderne entraperçu à Paris ! Il griffonne des scènes de tranchées et d’opérations, qu’il grave dans le bois ou peint à l’huile plus tard. Infirmes, pendus, veuves, ses héros ressemblent à ceux qui peuplent alors les toiles de ses amis Dix, Schad et Grosz. Chronologique, l’exposition met en scène l’essentiel (cent toiles, soixante papiers, trois bronzes) d’une œuvre jusqu’à présent peu montrée en France et difficile à classer.

Terrible lucidité
Réaliste, cubiste, surréaliste, expressionniste ? Beckmann s’inspire successivement de tous ses contemporains, pour exprimer un désenchantement particulier. Riche en blancs nacrés et en noirs mats, sa palette exprime, dit-il, un «mélange de somnambulisme et de terrible lucidité». Son goût, entretenu par la pratique de la xylographie, pour les formes simples, cloisonnées et anguleuses, est souligné dans l’actuelle présentation, par une scénographie à base de trapèzes subtils, signée Laurence Fontaine. Des beuveries populaires, dessinées à Berlin, aux mythes fondateurs occidentaux, peints à New York, si cette mise en scène convient aussi admirablement à tous les sujets abordés par le maître, c’est qu’elle en épouse l’étrange raideur. Celle, terriblement belle, de l’Humain sans vie.


 Françoise Monnin
12.09.2002