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Musées

Lumières de Bohême

En installant la capitale du Saint-Empire romain germanique à Prague au début du XVIIe siècle, Rodolphe II fait de la cité l’un des foyers artistiques les plus brillants d’Europe.


Giuseppe Arcimboldo, Autoportrait,
c. 1570, plume et lavis, 23 x 15,7 cm,
Prague, collection particulière.
© Photo Jan Divis.
DIJON. À l’orée du grand siècle, curiosité et humanisme vont de pair. Rodolphe II de Habsbourg (1576-1612), petit-fils de Charles Quint, se passionne pour les arts et les sciences. L’empereur poursuit la tradition familiale de mécénat artistique et attire à sa cour une pléiade d’artistes venus des Flandres, des Pays-Bas, d’Allemagne, et de Suisse, la plupart ayant séjourné en Italie. Peintres, sculpteurs, orfèvres, musiciens, mathématiciens, astronomes et astrologues se pressent autour du mécène éclairé.

Vision encyclopédique
L’exposition raffinée de Dijon ressuscite une partie de cette collection. D’emblée, le visiteur est plongé dans l’atmosphère éclectique de la Kunstkammer - cabinet d’art et de curiosités - et découvre la truculente Allégorie de l’été faisant contraste avec l’Autoportrait fascinant d’Arcimboldo, une vue de Prague en marqueterie de pierres colorées de Castrucci, une paire de dessins aquarellés sur parchemin illustrant la brièveté de la vie par G. Hoefnagel, des instruments scientifiques de E. Habermel, une coupe en cristal de roche, des médailles antiques et quelques curiosités ethnographiques. Une diversité artistique qui témoigne de la vision encyclopédique du monde chère à la Renaissance. Hétéroclite, à l’image de l’incroyable diversité qui présidait à ses cabinets, ce microcosme est conçu comme un symbole de l’Empire universel des Habsbourg.

Linea serpentina
Du côté des arts graphiques, la peinture maniériste brille d’un dernier éclat. Empreinte d’influences italiennes et nordiques, elle ouvre la voie à l’épanouissement de l’art baroque tchèque. Parmi les œuvres les plus remarquables, citons le trait tourmenté de Bartholomeus Spranger, les compositions théâtrales de H. Von Aachen, la somptueuse Femme nue faussement endormie de Dirk de Quade van Ravensteyn, ou encore les paysages délicats de Peter Stevens. Remercions les concepteurs de cette exposition de nous permettre de contourner au plus près la linea serpentina de la sculpture Hercule, Nessus et Dejanire d’Adrian de Vries. Et de prolonger l’enchantement avec les compositions animalières et fantastiques de Roelandt Savery. L’ombre de l’empereur disparu ponctue ce parcours. Sa passion pour l’alchimie et les sciences occultes aurait-elle contribué à maintenir la tenue funéraire qui nous est présentée dans un si parfait état de conservation ?


 Stéphanie Younès
01.10.2002