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Expositions

Richelieu, l’art comme raison d’État…

Le Musée des beaux-arts de Montréal donne vie au projet ambitieux d’Hilliard T. Goldfarb : explorer les relations du cardinal avec les arts de son temps.


Philippe de Champaigne, Triple Portrait
du Cardinal Richelieu
, h. s. t., 1642-1647.
© National Gallery, Londres.
À quand remonte le projet ?
Hilliard T. Goldfarb, conservateur des maîtres anciens au Musée des beaux-arts de Montréal.
J’ai commencé à conceptualiser cette exposition il y a une dizaine d’années, en organisant «De Fontainebleau au Louvre, le dessin français au XVIIe siècle» au Musée d’art de Cleveland. Lors de mon passage à l’Isabella Stewart Gardner Museum de Boston, j’ai continué à travailler à ce projet et j’ai conçu les six sections de l’exposition : la gloire du royaume, la gloire de Dieu, le domaine intellectuel, les commandes du cardinal, la vie quotidienne et le mythe Richelieu. Mais il était impossible de la monter dans ce lieu «replié» sur sa collection. Depuis mon arrivée en Nouvelle France, je suis heureux que mon projet ait été soutenu par le directeur, Guy Cogeval, et par les différents membres de l’équipe.


Charles Le Brun, Hercule
terrassant Diomède
, h. s. t.,
vers 1640-41.
© Nottingham City Museum &
Galleries, The Castle Museum.
Quel est l’objectif de l’exposition ?
H. T. G.
Contrairement à l’exposition «Richelieu et le monde de l'esprit», présentée à la Sorbonne en 1985, nous ne cherchons pas à aborder toutes les dimensions de l’œuvre de Richelieu. Nous nous concentrons sur son utilisation des arts contemporains, sa volonté de créer un style national au service des grandes ambitions de la France. On considère généralement que Richelieu n’était pas un connaisseur, qu’il ne s’intéressait pas aux arts visuels. C’est totalement faux ! C’était un homme qui avait une réelle sensibilité, même si elle était sévère. D’ailleurs son intérêt pour Lemercier, Poussin ou Philippe de Champaigne ne doit pas surprendre. Il correspond tout à fait à sa volonté de codifier une langue élégante, classique.

Quels sont les temps forts du parcours ?
H. T. G.
Nous présentons environ 170 œuvres : tableaux, sculptures, œuvres graphiques, plans, livres, médailles… Elles nous ont été prêtées par le Louvre, la Bibliothèque nationale ou Versailles mais aussi par l’Albertina, la National Gallery de Londres ou le Metropolitan Museum… Parmi celles-ci, il faudrait parler de la Galerie des hommes illustres. C’est en effet la première fois, depuis l’époque du Palais Cardinal, que sont réunis les cinq portraits monumentaux de Vouet et Philippe de Champaigne ainsi que les petits tableaux historiques qui les entouraient. De même, il faudrait signaler la présence de la série de Triomphes de Poussin et du Saint Jérôme pénitent de Georges de la Tour qui décoraient son château, ou la réunion de trois portraits du cardinal : le buste du Bernin et les deux tableaux de Philippe de Champaigne. Certaines de ces œuvres amènent à des constats amusants. En comparant les planches monumentales du Siège de la citadelle de Saint-Martin dans l’île de Ré de Jacques Callot avec le cuivre original, on remarque que la figure de Richelieu a disparu entre celles de Gaston d’Orléans et Louis XIII. Il est pourtant impossible de savoir si Richelieu a pris cette décision pour ne pas être accusé de crime de lèse-majesté ou si elle revient à Gaston d’Orléans, bien connu pour ses conspirations contre le cardinal !

Comment expliquer qu’une telle exposition ne soit pas présentée au Louvre ?
H. T. G.
Ce n’est pas à moi de me prononcer sur ce sujet. Il est vrai que c’est un peu étrange puisque deux conservateurs ont participé au projet et que le musée a consenti de nombreux prêts. Quoi qu’il en soit, l’importance des œuvres exposées n’aurait pas permis d’organiser plus de deux étapes pour l’exposition. La seconde se tiendra au Wallraff Richartz Museum de Cologne à partir du 31 janvier prochain.


 Zoé Blumenfeld
20.09.2002