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Politique culturelle



Jean-Paul Claverie: «Les grandes expositions sont la quintessence du luxe»

Le responsable du mécénat de LVMH nous présente la stratégie du groupe dans le domaine artistique.

Quelle somme consacrez-vous aux actions de mécénat ?
Jean-Paul Claverie.
Nous préférons rester discrets sur le montant. Nous parlons sans cesse de chiffres dans nos autres communiqués sur les investissements, les résultats, les cours de bourse. Le mécénat est pour nous un acte qui vise à communiquer une sensibilité, à établir la place du groupe dans la société française.

Quels sont les axes de votre mécénat ?
Jean-Paul Claverie.
Nous intervenons dans la restauration du patrimoine, comme cela a été le cas pour l'aile nord du château de Versailles en 1992-93 ou pour la bibliothèque-musée de l'Opéra de Paris en 1990-91. Nous soutenons les grandes expositions : elles sont devenues une façon pour le grand public de se réapproprier les moments-clés de l'histoire de l'art. C'est la quintessence du luxe : rassembler autant de chefs-d'œuvre pour une manifestation éphémère ! Dans certains cas, il s'agit d'appuyer des projets en cours et de leur donner une plus grande envergure : ainsi pour « Millet-Van Gogh », qui était au départ plutôt conçu comme une exposition-dossier et qui s'est avéré la plus forte fréquentation du Grand Palais en 1998 avec 450 000 entrées. Il arrive que nous ayons un projet précis en tête, comme pour « Les tables royales en Europe », présenté à Versailles en 1993. Dans tous les cas, nous donnons les moyens nécessaires mais nous n'influençons pas les choix des commissaires et des conservateurs. Nous faisons aussi des dons - récemment au musée Guimet pour sa réouverture - ou finançons des restaurations, comme cela vient d'être fait pour Coucou Bazar de Dubuffet, en plus de notre engagement comme sponsor de l'exposition.

On parle beaucoup de la nouvelle éducation artistique mise en place dans les établissement scolaires par Jack Lang et Catherine Tasca. Quelle est votre action dans ce domaine ?
Jean-Paul Claverie.
Nous avons fait école en ouvrant les expositions que nous sponsorisons aux jeunes de 6 à 11 ans. Cela ne se faisait pas avant. Nous avons créé une équipe pédagogique pour que, le jour de fermeture, les scolaires y aient accès. Ces visites sont conçues autour d'un atelier pédagogique : les élèves doivent ensuite produire un travail en classe. Pour les étudiants des beaux-arts français et étrangers, nous offrons six bourses annuelles de 28 000 F (plus les frais de déplacement), décernées en juin par un jury sur présentation d'une œuvre créée sur un thème liée à une grande exposition en cours (pour 2002, en relation avec Dubuffet, ce sera la figure). Dans le passé, le jury a été présidé par Balthus ou Claude Viallat. Cette année, ce sera le tour de Vladimir Velickovic.

Vous annoncez un rendez-vous Picasso-Matisse.
Jean-Paul Claverie.
C'est en effet le grand événement de 2002. Cette exposition se tiendra dans trois grandes capitales : Londres, Paris (en septembre 2002) puis New York. Picasso et Matisse sont peut-être les deux plus grands peintres du 20e siècle. Ils ont passé leur vie à s'observer. A travers eux, c'est tout le siècle que l'on balaiera. On parle beaucoup de nationalité en ce moment, ils représentent une "nationalité du monde", une référence culturelle universelle.

Les événements récents à New York et une conjoncture morose affectent les industries du luxe. Cela va-t-il réduire votre engagement ?
Jean-Paul Claverie.
On ne peut pas prévoir ce qui pourrait se passer en cas de difficultés très importantes… Mais l'objectif de LVMH est de pérenniser son action et de ne pas la faire dépendre de l'actualité. Pour prendre un exemple, pendant la guerre du Golfe, les projets ont continué. Aujourd'hui aussi, il faut rester optimiste.


 Rafael Pic
29.09.2001