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Expositions

Le sexe, à la vie, à la mort

Dix toiles inédites et quarante dessins révèlent la frénésie de Keith Haring.


Keith Haring, Matador, 1989,
acrylique, peinture émaillée et peinture
métallique sur toile, 183 x244 cm
© The estate of Keith Haring. Courtesy
galerie de Noirmont.
Peintre et sculpteur, New-Yorkais des années noires où le sida répandait la terreur, Keith Haring (1958-1990) a laissé une œuvre tonitruante, hurlant à gros traits son appétit pour le sexe gay et pas triste. Tout est simple comme le désir et pourtant, dans ce symbole ardent de la virilité cent fois reproduit, s'affirment à la fois la vie et la mort. Mort, qui à 32 ans, mit fin à sa carrière, l'emportant sur les graffitis brutaux et joyeux, sur les bonhommes articulés qui s'aiment comme des marionnettes. Il reste à Paris un souvenir troublant de Haring : la fresque dont il a orné la sortie de secours de l'hôpital Necker.

Entre ciel et enfer
Le désir oui, mais aussi sa volonté de liberté, son avidité de dialogue pour enfin parler d'amour. Il faut se souvenir de l'étonnant décor qu'il dessina pour le ballet de Roland Petit à Marseille, Le Mariage du ciel et de l'enfer, représentation poignante d'un terrible Jugement dernier. Les élus et les damnés se retrouvent nombreux dans ces dessins de la galerie de Noirmont : Haring n'est pas seulement un fantôme de back-room, il expose avec rage sa dialectique du bien et du mal, de la souffrance et du bonheur. Sur ce matériau qu'il aimait tant, la toile de bâche, s'enchevêtrent ses idéogrammes, une imagerie venue du Pop Art, avec fulgurance et virtuosité : un langage autonome, portant en lui-même sa propre dérision, inventé à partir des graffitis des rues, «la plus belle chose que j'aie jamais vue», disait-il.


 Nicole Duault
30.10.2002