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Dernière heure

Dresde, la guerre de l'eau

La ville allemande tente de faire face à l'imparable montée de l'Elbe.

DRESDE (Allemagne), 16 août (AFP) - Témoin de siècles d'histoire, le patrimoine culturel de Dresde, le joyau de Saxe, en Allemagne de l'est, baigne dans les eaux gonflées de l'Elbe, en attendant le verdict de la nature. Fièrement monté sur un cheval de bronze, le roi Johann de Saxe (1854-1873) apparaît comme un mirage sorti des flots. Derrière lui, entre ciel et eau, l'Opéra Semper, l'un des plus beaux théâtres néo-Renaissance d'Europe, embrasse son reflet.

L'Elbe, qui a dépassé les neuf mètres vendredi, a envahi les sous-sols et au rez-de-chaussée, les porte-manteaux ont les pieds dans l'eau. "On a laissé tomber le pompage, ça ne sert plus à rien", explique Steffen Grosse, le porte-parole du ministère régional de la Culture. Devant le château baroque du Zwinger, un tapis de sacs de sable gît, impuissant, dans l'eau. La fameuse collection des Anciens maîtres de la Gemaeldegalerie qu'il abrite, dont la "Madone Sixtine" de Raphaël, a été mise à l'abri. Mais "je suis très inquiet pour les fresques au plafond du sous-sol du Zwinger", évaluées à 30 millions d'euros par les assurances, confie le ministre de la Culture de Saxe Matthias Roessler.

Au musée de l'Albertinum, l'heure est à une réunion de crise. Martin Roth, directeur des onze musées de la ville, a convoqué tous les responsables culturels locaux pour faire un état des lieux. "Tout ce qui pouvait être emporté a été sauvé, 8.000 peintures, sculptures, objets à la valeur inestimable. En revanche les fondements des bâtisses sont endommagés et les équipements techniques détruits", résume M. Roth à la ronde fatiguée. Depuis lundi, tous ont participé sans répit, une bougie ou une lampe de poche en main, au sauvetage des oeuvres d'art entreposées dans les caves des musées de Dresde, les transportant aux étages supérieurs. "A peine avions-nous enlevé le dernier tableau que l'eau entrait", se souvient le directeur. "Je peux comparer cet évènement avec les attentats du 11 septembre 2001, en cela qu'il est inconcevable", relève-t-il.

La halle antique de l'Albertinum ressemble à une cave d'Ali Baba: des têtes de l'antiquité gréco-romaine jonchent le sol, et une forêt dense de corps athlétiques barrent le passage. Plus loin, des bas-reliefs disputent l'espace à des maîtres allemands. A part pomper la cave de l'Albertinum où 5.000 litres d'eau s'infiltrent par minute, Roth et ses collèges ne peuvent plus qu'espérer que la ville puisse envoyer des forces de sécurité pour protéger des pillages. Et que l'Elbe ne gagne pas le rez-de chaussée. "Là, on ne pourrait rien faire, les objets sont trop lourds, le sol des étages ne résisterait pas, ce serait la catastrophe". M. Grosse garde son optimisme: "Dresde restera Dresde, les bâtiments sont réparables, et tout l'intérieur est sain et sauf".

Mais les dommages des crues dans la capitale de Saxe s'élèveront au moins à 50 millions d'euros pour les biens culturels seuls, juge Matthias Roessler. Un drame pour Dresde, où 2,5 milliards d'euros ont été investis depuis la réunification pour rénover la ville quasiment anéantie dans les bombardements alliés en 1945. Ses habitants ont appris la patience, et l'espoir. Pour Peter Koch, 62 ans, "c'était beaucoup plus impressionnant avant la chute du mur: l'église Notre Dame (la Frauenkirche, en rénovation) était un amas de pierre, le château en ruines. Pendant 40 ans, on a attendu de retrouver la Dresde d'antan, ça n'est pas un peu d'eau qui va briser notre rêve enfin réalisé".

Par Géraldine SCHWARZ

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  AFP
17.08.2002