Home > Le Quotidien des Arts > Sous bénéfice d’inventaire

Patrimoine

Sous bénéfice d’inventaire

Fidèle à son objectif de cession de monuments à des propriétaires privés, le gouvernement lance une grande opération de recensement du patrimoine.


Le Colisée, pas encore à vendre…
© ENIT.
ROME. Le décret-loi «salva-deficit» (anti-déficit) avait fait beaucoup de bruit lors de sa promulgation par le président de la République, Carlo Azeglio Ciampi, le 15 juin 2002. Ce texte prévoit la constitution de deux sociétés par actions, Patrimonio SpA et Infrastrutture SpA. La première a pour objet de recenser et de valoriser - ce qui peut éventuellement se faire au moyen d’une cession au secteur privé - des biens culturels appartenant à l’État. La seconde a vocation à financer les grands travaux d’infrastructure du XXIe siècle (pont sur le détroit de Messine, tunnels alpins, nouvelle autoroute Florence-Bologne, etc.) en gageant auprès des créanciers ces mêmes biens culturels. Le contenu de cette loi - qui donne la haute main au ministère des Finances (lequel détient toutes les actions de Patrimonio SpA) - a été condamné par l’opposition et par de nombreuses associations, qui y voient le début d’une grande braderie du patrimoine. Le texte a même été considéré comme «scélérat» par l’ancien secrétaire à la Culture, le bouillonnant Vittorio Sgarbi, qui avait claqué la porte du gouvernement lors de sa discussion.

Tibère se retourne dans sa tombe
Une première liste de biens privatisables a été publiée en annexe du Journal Officiel, le 14 août. Il s’agit d’un fort volume de près de mille pages. On n’y trouve ni la tour de Pise ni le Colisée, mais quelques édifices connus comme la chartreuse de San Martino à Naples ou la villa Jovis, à Capri, l’une des résidences de l’empereur Tibère. Les évaluations qui les accompagnent n’ont qu’une valeur relative : les 89 750 € inscrits en regard de la villa de Tibère ont fait bondir les habitants de Capri. Il ne s’agit là que d’un avant-goût du travail qui attend les taxinomistes : le patrimoine italien est démesuré et l’Unesco estimait il y a quelques années qu’il représentait les deux tiers du «stock» mondial. Pour établir ce recensement - et c’est certainement là un des effets positifs de la loi - l’administration des domaines (l’Agenzia del Demanio) a publié le 18 juillet dernier un appel d’offres. L’inventaire - qui comportera la recherche d’informations et la publication de relevés - sera concédé à des prestataires privés par lots régionaux, pour une période renouvelable de 18 mois. L’adjudicataire pour le Latium sera ainsi rémunéré 2,13 millions €, celui pour le lot Lombardie-Trentin-Haut Adige 1,80 million €. Les plis des concurrents ont été ouverts le 6 septembre. Il faudra attendre le 26 septembre pour que l’Agenzia del Demanio communique la liste des candidats admis à un appel d’offres restreint.


 Rafael Pic
17.09.2002