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Expositions

En villégiature chez Le Corbusier

Treize artistes investissent la villa Savoye pour confronter leurs œuvres à l’environnement conçu par l’architecte.


Delphine Coindet, Sans titre,
plâtre peint.
© Courtesy galerie Michel Rein,
photo Centre des monuments
nationaux Marc Domage/Tutti.
POISSY. Monum persiste et signe dans sa politique d’ouverture des monuments historiques à l’art contemporain. Persiste, malgré les critiques en demi-teinte de certaines installations - on se souvient des sphères pneumatiques de Klaus Pinter au Panthéon - en invitant treize jeunes artistes à installer leurs œuvres dans la villa Savoye, manifeste du style international livré par Le Corbusier en 1931. Architecture moderne pour art contemporain, cimaises puristes de béton blanc pour installations visuelles et sonores : l’exposition, intitulée d’après le surnom de la villa «Les heures claires», pouvait sembler évidente. Son commissaire, Frank Lamy, s’est pourtant méfié du lieu en critique d’art avisé : soucieux d’éviter l’hommage ou la glose architecturale, il a souhaité susciter un dialogue subtil entre accrochage et environnement.

Prendre l’espace
Voici donc le visiteur lâché librement dans la villa, muni d’un plan désignant l’emplacement des œuvres. Déambulant au hasard des pièces, empruntant rampes et escaliers, il découvre les pièces parlées de Dominique Petitgand, les sculptures aériennes de Jean-Luc Bichaud, les arbres de ciment peint de Delphine Coindet. Il laisse son empreinte sur l’une des tables thermo-sensibles de Véronique Joumard, et rougit à la vue des pièces phalliques couleur chair de Philippe Mayaux, plaquées ostensiblement aux murs de la chambre. Du solarium à la salle de bains, il retrouve les étranges textes d’Alain Bernardini, découvrant sur son itinéraire les travaux de François Paire, de Veit Sratmann, d’Emmanuelle Villard, d’Olivier Dollinger ou encore de Philippe Decrauzat. Dans le séjour, il s’attarde pour écouter les environnements sonores de Jiro Nakayama. Puis la flânerie s’achève dans le jardin où Chantal Michel a disséminé les souvenirs du Rêve de Sophie. On l’aura compris, chacun crée ici sa propre exposition, au hasard de son parcours, comme un clin d’œil à l’idée de «promenade architecturale», chère à l’architecte des lieux. Que répondre dès lors à ceux qui pensent que les œuvres nuisent au monument ? Simplement que Le Corbusier, promoteur des avant-gardes de son temps, peintre puriste qui fustigeait l’idolâtrie du passé, considérait la prise de possession de l’espace comme le propre des êtres vivants.


 Sophie Flouquet
29.11.2002