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Expositions

Cachez ce sein

Le Prado reconstitue la «salle réservée» dans laquelle étaient cantonnés jusqu’au XIXe siècle les tableaux de nus.


Pedro Pablo Rubens,
Las tres Gracias,
221 x 181 cm. © Musée du Prado.
MADRID. Retirer de la circulation des images considérées comme moralement répréhensibles ou simplement les préserver de la curiosité dans une société régie par de strictes conventions ont été des motifs suffisants pour que des rois et des aristocrates, tout au long de l’histoire, confinent leurs tableaux de nus dans des cabinets privés. Le Musée du Prado a constitué, dans ce domaine, une exception. Le fait ne doit pas surprendre si l’on considère qu’il a abrité et continue d’abriter ce qui constitue probablement la meilleure collection de nus de l’Europe moderne. L’exposition recrée la « salle réservée » telle qu’on pouvait la découvrir entre 1828 et 1838. En font partie des chefs-d’œuvre de l’école vénitienne du XVIe siècle, de l’école baroque flamande ou de la peinture espagnole du XVIIIe siècle.


Tiziano, Dánae, 129 x 180 cm.
© Musée du Prado.
Les Majas en point d’orgue
C’est le cas, par exemple de Danaé de Titien qui, depuis son envoi en Espagne, en 1554, jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, est demeuré de façon quasiment ininterompue dans des salons privés.
La sélection inclut, en outre, des œuvres de Dürer (Adam et Ève), Tintoret, Annibal Carrache, Guido Reni, Rubens (Les Trois Grâces) et Goya (les Majas). L’importance de l’ensemble ne se mesure pas seulement en termes de quantité : les tableaux présentés proviennent d’artistes très divers et il s’agit souvent d’œuvres majeures. La mise en scène ne se limite pas à rappeler de manière anecdotique l’histoire des « salles réservées ». Elle permet aussi de souligner le type de dialogue qui pouvait s’instaurer entre des nus aussi variés et qui aidait à donner au Prado son statut d’« école ». Des artistes de toutes nationalités et de toutes époques venaient y apprendre au contact de leurs aînés. C’est le cas de Rubens qui s’est inspiré des tableaux mythologiques de Titien, ou de Goya, dont les Majas concluent une histoire illustrée par Dürer et Velasquez.


 Maite Vendrell
10.09.2002