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Patrimoine

L’architecture tient sa grand-messe

Sous la direction de Dejan Sudjic, la Biennale semble abandonner ses prétentions à tisser des passerelles entre les disciplines. Mais se fixe un objectif concret : décrire par le menu l’architecture de la prochaine décennie.


Jakob+MacFarlane, Appel d’idées
pour le site du World Trade Center,
Galerie Max Protetch, 2001
Le nom de baptême de cette édition résume son contenu : « Next ». Les cent dix projets choisis par le directeur, Dejan Sudjic, qui avait orchestré avec brio le mandat de Glasgow, capitale européenne de la culture en 1998, nous projettent dans le futur. Ils sont classés en dix catégories - habitations, musées, transports, éducation, gratte-ciels, commerce, travail, temps libre, édifices publics et religieux, plans d’urbanisme - et devraient nous donner un avant-goût de la forme future de nos villes. L’impression première, par rapport à la précédente édition, dirigée par Massimiliano Fuksas, qui entendait brouiller les frontières entre les disciplines, appelait à la rescousse la sociologie et faisait un emploi massif des nouvelles technologies, est d’un retour à l’ordre. On ne parle ici qu’architecture et tous ces projets sont comme un catalogue éclatant du savoir-faire des grands noms - actuels ou à venir - de la profession. Rogers, Hadid, Isozaki, Libeskind, Siza, Chipperfield, Piano, Meier… Ils sont tous là hormis quelques exceptions comme Koolhaas. Parmi les jeunes - la génération des moins de 50 ans - sont présents Shigeru Ban, Odile Decq, les Hollandais du groupe MVRDV ou les Grecs d’Anamorphosis.


Frédéric Borel Architecte,
Institut du développement
local, Agen, France,
réalisation 2001
Jean Nouvel et son mur
«J’ai été beaucoup marqué par la première biennale, celle de Paolo Portoghesi en 1980, nous expliquait Dejan Sudjic. L’architecture est quelque chose de “physique”. Elle ne doit pas se limiter à des plans en deux dimensions.» Dans les espaces spectaculaires des anciennes corderies de l’Arsenal ou dans le cadre plus bucolique des Giardini, les relevés sont ainsi renforcés par des éléments concrets - comme ce morceau de mur d’une usine que Jean Nouvel doit construire près de Bergame ou ces variations sur l’aluminium par Toyo Ito, auquel vient d’être attribué le prix de la Biennale. Parmi les pavillons nationaux, celui des Etats-Unis est évidemment le plus émouvant : derrière un fragment du World Trade Center s’affichent les propositions pour rebâtir Ground Zero. Le pavillon anglais joue la monographie avec Foreign Office Architects (qui a conçu le terminal des ferries de Yokohama, récemment inauguré), le français se veut panoramique (avec Gautrand, du Besset-Lyon, Lacaton-Vassal, etc). Mais les surprises sont plutôt à chercher du côté des invités moins habituels : les Grecs, les pays de l’Est (Slovénie ou Lettonie) ou Israël, qui invite à réfléchir sur l’urbanisme de frontière. Même en architecture, la politique est au coin de la rue.


 Rafael Pic
09.09.2002