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Patrimoine

Mont Sainte-Odile : un mur païen ou chrétien ?

Sur le site alsacien, la récente analyse de tenons de chêne pourrait clore un débat - ouvert depuis deux siècles - en faveur de la seconde hypothèse.

STRASBOURG, 29 sept (AFP) - Le Mur païen du Mont Sainte-Odile, une enceinte mystérieuse et emblématique de l'Alsace, pourrait être en réalité un "mur chrétien" datant du début du VIIIe siècle, selon la toute dernière découverte des archéologues. Cette muraille majestueuse d'environ dix km de périmètre et de trois mètres de haut, dans ses parties restées intactes, a de tous temps alimenté les contes et les légendes d'Alsace. Nulle part ailleurs en Europe ou dans le monde, on ne trouve un exemple d'enceinte construite avec ce type de gros blocs de grès, assemblés avec des tenons en bois en forme de queue d'aronde, visible de très loin dans la plaine d'Alsace, avant que la forêt ne recouvre les flancs des Vosges. Depuis deux siècles, les historiens débattent de la date et de la fonction du Mur sans jamais percer son mystère. Les hypothèses les plus courantes allaient, jusqu'ici, de la préhistoire au Bas-Empire romain, en passant par l'époque des Celtes et des Gaulois. Le voile s'est quelque peu levé sur cette énigme grâce à la datation providentielle de 65 tenons de chêne prélevés par un érudit, dans les années 1873-1875, et conservés depuis dans un grenier de la région. Chaque tenon était accompagné d'une note précisant l'endroit précis du Mur où il avait été trouvé, dans les deux parties nord de l'enceinte.

Ces pièces de chêne ont été redécouvertes l'an dernier et confiées par leur propriétaire à la Direction régionale des Affaires culturelles d'Alsace, a annoncé Frédérik Letterlé, conservateur régional de l'archéologie d'Alsace. Leur étude a été confiée au Laboratoire d'analyse du bois de Bohlingen (Allemagne) qui vient de rendre son verdict après avoir utilisé deux techniques différentes de datation: la dendrochronologie (étude des cernes dans la tranche du bois) et le carbone 14. Ces analyses datent les tenons du dernier quart du VIIe siècle ou du début du VIIIe, dans la période mal connue du duché d'Alsace (640-740). A cette période vivait le puissant duc d'Alsace Etichon, membre de la haute aristocratie franque et père de Sainte Odile, qui a donné son nom à une montagne sainte et à un couvent encerclé par le Mur. Odile, qui mourut en 720, fut la première abbesse de ce couvent, haut lieu de pèlerinage en Alsace. D'où l'hypothèse émise par Frédérik Letterlé : cette enceinte, qui ne défendait rien, sauf un terrain désert et montagneux d'environ 120 hectares, a peut-être été édifiée "pour le rôle symbolique" de montrer le pouvoir et les limites de propriété d'un homme puissant de cette époque. Le conservateur reste toutefois prudent: "une muraille de dix kilomètres ne se construit pas en un jour". En outre, il est possible que les tenons ne correspondent pas à la construction initiale du mur, mais à une phase ultérieure de sa restauration. Pour valider cette nouvelle hypothèse s'est constitué un groupe de travail transfrontalier, réunissant des chercheurs et historiens spécialistes de la période du haut Moyen-Age dans le Rhin Supérieur.

par Thérèse JAUFFRET

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01.10.2001