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Giacometti, l’imbroglio continue

Une vente de bronzes de Giacometti, prévue le 28 septembre chez Christie’s, pourrait être interdite. Le Tribunal de grande instance de Paris est appelé à trancher.


Alberto Giacometti, Buste d'homme
dit n°253, bronze à patine verte
© Christie's
PARIS. C’est le dernier rebondissement d’une affaire qui aurait dû être «simple». Cette vente devait marquer pour Christie’s, un an après ses débuts en France, l’entrée sur le marché de l’art moderne. Elle risque plutôt de rajouter un épisode à l’interminable saga juridique. En 1966, Annette Giacometti hérite du fonds d’atelier de son époux, Alberto. Vingt ans plus tard, elle crée une association qui préfigure la fondation dont elle rêve et la dote de 24 millions FF et de l’usufruit d’un hôtel particulier situé cour de Rohan, à Paris. En 1994, un an après sa mort, son exécuteur testamentaire, Roland Dumas, ordonne une vente pour d’assurer les frais de succession. Sous le marteau de Jacques Tajan, quatorze sculptures et quatre peintures partent pour 42 millions FF . Le 1er juillet 1999, Roland Dumas confie le dossier à Me da Camara, administratrice judiciaire mandatée pour «obtenir le plus vite possible […] la naissance de la fondation». Or, la fondation est toujours au point mort, l’actif de l’assocation s’effrite et Me da Camara a reçu, le 21 février dernier, l’autorisation du Tribunal de Paris d’organiser une vente destinée à faire face aux dépenses. Bien qu’elle ne regroupe que des bronzes posthumes et des multiples, cette vente est contestée par l’association Alberto et Annette Giacometti qui voit le patrimoine de la fondation amputé.

Vente volontaire ou judiciaire ?
Le 11 septembre dernier, les chambres nationale et parisienne des commissaires-priseurs judiciaires ont demandé l'interdiction de la vente en justice. À la lecture de la loi du 11 juillet 2000, les deux chambres considèrent que, dans la mesure où la vente est autorisée par une décision de justice, c'est une vente judiciaire qui doit être organisée. C’est donc un commissaire-priseur judiciaire qui est compétent, et non une société de ventes volontaires telle que Christie’s. Cette dernière rétorque qu'une vente autorisée par la justice n'est pas nécessairement judiciaire : elle peut être volontaire. Dans ce cas, les sociétés de ventes redeviendraient compétentes. Où se situe la vérité ? Pour Olivier de Baecque, avocat à la Cour, la position des chambres pourrait être recevable au sens où il existe « deux types de ventes judiciaires : les ventes judiciaires "forcées" qui s'imposent au propriétaire des biens vendus (par exemple, en cas de faillite ou de saisie par un créancier impayé) et les ventes judiciaires "volontaires", décidées par le propriétaire ou son représentant et autorisées par une décision de justice. Dans ce dernier cas, l'intervention judiciaire est justifiée par les circonstances de la vente (nécessité de protéger des co-héritiers ou des tiers). Plusieurs ayants droits sont intéressés à la vente Giacometti : l'association Alberto et Annette Giacometti, et les frère Arm, héritiers d'Annette aux côtés de la Fondation, qui contestent la validité du testament. La protection de ces intérêts pourrait justifier que la vente - même volontaire - soit réalisée par l'entremise d'un commissaire-priseur judiciaire, dont le statut d'officier ministériel doit garantir la transparence et le bon déroulement de la vente ». A l’appui de la position de Christie’s, qui semble avoir des partisans décidés au niveau de la Commission européenne, figurent les «minimalistes». Pour ces derniers, l’esprit de la loi est autre : les seules ventes judiciaires par officier ministériel sont celles qui voient un débiteur contraint par ses créanciers. Réponse le 25 septembre…


 Zoé Blumenfeld
20.09.2002