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Patrimoine

Le PC sort l'art des caves

Pour la première fois, la collection d’art du Parti communiste français est inventoriée et présentée au public. Plusieurs chefs-d'œuvre manquent à l’appel.


Roberto Matta, le vif du sujet, 1974
h.s.t., 135 x 135 cm. © D.R.
PARIS. 1954-1978 : telles sont les limites de cette étonnante collection, retrouvée récemment dans les caves du premier siège du Parti communiste français (PCF), au 120 rue Lafayette (actuel siège de la Fédération de Paris). Soit une période allant, comme l’explique l’historien d’art Alain Leduc, auteur du catalogue, «de la mort de Staline - et de l’abandon progressif, comme référent esthétique, du réalisme socialiste -, à la fin de la guerre du Vietnam et à l’après-1968. Entre-temps, le PCF, par la résolution d’Argenteuil en 1966, a mis fin à tout lien organique ficelant réciproquement culture et parti. Mais de 1954 à 1978, les liens avec des artistes de bords et d’esthétiques très différents se sont développés». Une sélection opérée parmi les trois cent cinquante œuvres retrouvées sera présentée en octobre, dans le lieu même où elles avaient été oubliées : des affiches lithographiées, des banderoles, des dessins anonymes, des toiles d’artistes dont on ne sait à présent plus rien, et bon nombre de pièces uniques et maîtresses, signées Cremonini, Masson, Messagier, Picasso, Pignon, Vieira da Silva ou encore la coopérative des Malassis, Véronique Wirbel et Giai-Minet. Une toile de Matta (Le vif du sujet, 1974, 135 x 135 cm) constitue le point d’orgue de l’ensemble actuel... Très incomplet. «Elle avait longtemps été accrochée dans l’un des bureaux. Certains s’en souviennent. Puis, comme les autres, elle est descendue dans la cave. On se souvient aussi d’œuvres aujourd’hui évanouies dans la nature, notamment d’un Pignon-Ernest. Il m’est arrivé d’en identifier certaines, dans une vente aux enchères récente à Cannes par exemple. À croire qu’au moment du départ à la retraite, certains habitués ont emporté des souvenirs, comme cela se produit dans la plupart des administrations françaises.»

Un gigantesque puzzle
«Il s’agit d’un gigantesque puzzle qu’on reconstitue à partir de courriers», comme celui qui accompagnait le portrait de Staline, offert par Picasso en 1953, et reproduit alors dans les pages du quotidien L’Humanité. «Il y a beaucoup de bonheur dans tout ça», insiste Alain Leduc. Quarante personnes ont travaillé, nettoyé, prêté les cadres…» L’association Les caves du 120 est née, afin de «continuer à interroger les liens entre le monde de l’art et celui du travail. Car l’engagement d’un artiste ne se limite plus à son militantisme.» Dans le comité de parrainage de l’association figurent l’architecte Chemetov, le photographe Willy Ronis, le peintre Pignon-Ernest, l’historienne Madeleine Rebérioux ou encore Christophe Girard, maire adjoint de Paris délégué à la Culture. «Le choix a été fait de ne se dessaisir d’aucune des œuvres originales qui composent le fonds.» Mais bon nombre de multiples ont d’ores et déjà été vendus, afin de financer la restauration des originaux et payer le catalogue.


 Françoise Monnin
24.09.2002