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Marché

© Jean-Claude Binoche.

Jean-Claude Binoche : «J’avais beaucoup rougi...»

En 1970, le commissaire-priseur vit sa première vente aux enchères à Drouot.

J'avais 25 ans et j'étais très nerveux. Je n'avais pas d'expérience et le public m'intimidait. Je me rappelle tout particulièrement du petit coup de main de la famille Gramont qui m'avait permis de faire le tour des greniers de leurs différents châteaux pour constituer une vente. Quand vous venez d’être diplômé commissaire-priseur, il n'y a, a priori, aucune raison pour que le téléphone sonne, d'autant plus que j'avais repris une étude sans clientèle. Tout est à construire lorsqu'on n'a pas reçu d’héritage, comme ce fut le cas de Me Picard et de Me Tajan qui se partageaient l’étude de Me Ader. La vente était déjà courte, n'excédant pas deux heures comme un bon film. À l'époque, l'usage voulait que le prédécesseur, qui en l'occurrence était Maître Apert, achète le premier lot de la vente de son successeur, mais les choses ne se passèrent pas ainsi. Je me rappelle d'un petit Corot de l'époque napolitaine qui a réalisé 70 000 FF, ce qui était raisonnable au regard des prix actuels. Je me souviens que j'avais gagné de l'argent et c'était nouveau pour moi. Je n'avais jusqu'alors que des rémunérations d'employé ou de stagiaire. Ce qui restait dans la caisse à la fin de la vente m'a paru sympathique. J'avais beaucoup rougi mais, somme toute, cette épreuve du feu s'est avérée plus simple que je ne le pensais. C'était une vente facile et saine. Six mois plus tard, j'étais à Galliera devant un parterre cette fois d'un millier de personnes, puis il y a eu la vente de la collection Krugier. Même bien chevronné, la première fois que j'ai vendu pour 300 millions de francs (Les Noces de Pierrette de Picasso, en 1989), il faut bien avouer que cela m'a ému. Maintenant, mon pouls ne commence à battre qu'à partir de 20 millions FF.


  Propos recueillis par Roxana Azimi
08.10.2002