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Jean-Paul Barbier : « Je donnerais ma vie pour l’avoir...»

Le collectionneur se souvient de l’achat de son premier chef-d’œuvre en 1967.

Dans les années 1950, je collectionnais beaucoup de petites pièces d’archéologie. J’ai rencontré ma femme à l’âge de 22 ans et mon beau-père, Joseph Mueller, est devenu mon mentor, sans le vouloir. Il était discret, introverti mais j’ai découvert chez lui des choses que je n’avais jamais vues. Je me suis souvent vanté de ma versatilité, mais l’inconvénient, c’est que j’ai longtemps acheté beaucoup de choses intéressantes mais pas de chef-d’œuvre. En 1962, lors de mon premier voyage à New York, j’ai fait la connaissance d’un marchand qui s’appelait Klejman. Cinq ans plus tard, je suis resté plus longtemps aux États-Unis et j’allais chaque jour chez lui à 17 heures. Je lui faisais mettre des petites choses de côté. Au bout d’une semaine, il me montre un plat soclé verticalement de Vanuatu. Il avait à une extrémité un petit manche, et à l’autre un personnage avec une patine laquée. J’ai dit au marchand que je donnerais ma vie pour l’avoir mais que cela devait être au-dessus de mes moyens. «Pas du tout, m’a-t-il rétorqué, il ne coûte que 4000 $». Je lui ai dit que je n’avais pas cette somme. Il a alors fait le compte de toutes les pièces que j’avais fait mettre de côté pendant une semaine et, en faisant l’addition, il est tombé sur la même somme. «Soit vous achetez sept pièces pour le prix d’un chef-d’œuvre, soit vous achetez le chef-d’œuvre. Si vous prenez le chef-d’œuvre, vous entrez dans une autre catégorie de collectionneur», m’a-t-il dit. À partir de ce moment-là, j’ai commencé à acheter des chefs-d’œuvre au même rythme que les babioles. Brusquement, ce qui me semblait inaccessible est devenu accessible. Je m’étais mis une barrière qui conduisait à la médiocrité. En gérant autrement mes moyens, j’ai compris que je pouvais faire une collection de qualité.


  Propos recueillis par Roxana Azimi
05.11.2002