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Expositions

Derain en relief

Peintre, Derain était aussi sculpteur. Les matériaux les plus divers sont passés entre ses mains : bois, pierre, métal...


André Derain, Personnage sans
menton
, bronze, 27,5 x 15,5 x 12 cm.
© Galerie de la Présidence.
PARIS. André Derain (1880-1954) fauve, ami de Vlaminck et de Matisse. Derain cubiste, ami de Braque et Picasso, on connaît. Derain sculpteur, on connaît moins, d'autant plus qu'aucune de ses œuvres ne fut coulée en bronze de son vivant. Il a fait de la taille directe très jeune. Pendant la guerre, dans les tranchées, il martèle des masques dans des douilles d'obus et tord du fil de fer à la pince... bien avant Calder. Esprit universel, passionné par les sciences et la littérature (il a illustré de nombreux livres), il a en commun avec Picasso une boulimie insatiable qui le porte à tout expérimenter. C'est dans son œuvre sculptée qui compte 151 pièces que sa puissance créatrice et son esprit ludique éclatent. Il s'intéresse également très tôt aux arts primitifs : il est l'un des premiers artistes à faire l'acquisition d'un masque Fang - qu'il achète à Vlaminck en 1906.

Terres cuites coulées en bronze
La présentation de trente bronzes de Derain à la galerie de la Présidence met en lumière le rôle majeur tenu par l'artiste dans la naissance de la sculpture moderne. On est d'autant plus frappé par la modernité et la liberté des masques et figurines exposés qu'ils sont présentés avec ses œuvres sur papier qui sont beaucoup plus sages. Celui qui était pour Balthus le «géant isolé» et pour Giacometti «le plus audacieux» entreprend en 1938, près de sa maison de Chambourcy (Yvelines), une série de têtes, masques et figurines après avoir découvert un gisement d'argile sous un sapin déraciné par l'orage. Il fait installer des fours et surveille lui-même la cuisson. Poussée par Giacometti, la veuve de l'artiste, Alice Derain, fait couler en 1959 soixante- quatorze de ces terres cuites en bronze : c'est une sélection de cette série qui est ici présentée. Tirage limité entre onze et vingt exemplaires (épreuves d'artiste comprises), chaque pièce est numérotée et marquée «Atelier André Derain». Le Musée d'art moderne de Troyes (donation Pierre et Denise Levy) possède une série complète des tirages en bronze, ainsi que le Petit Palais de Genève. Revisitant les formes archaïques, les figures mythologiques, les sculptures égyptiennes, grecques et romaines et le passé pour voir «ce qu'il contient d'avenir», l'œuvre sculptée de Derain est d'une rare audace.


 Brigitte Camus
25.10.2002