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Expositions

Newman, la conquête de l’espace

La Tate Modern consacre à l’artiste américain sa première rétrospective en Europe.


The command, 1946, huile sur
toile, 121,9 x 91,4 cm
© ARS, NY and DACS, London
2002
LONDRES. Né en 1905 à New York de parents juifs polonais émigrés, Barnett (de son véritable prénom Baruch) Newman fait un détour par le verbe en réalisant une série de textes sur l’art et la politique avant de se consacrer à la peinture. Au début des années 1940, son travail s’apparente aux premières toiles de son cadet, Jackson Pollock, marqué par une veine surréaliste : des formes sinueuses, aux tons sourds et sombres. Avec Mark Rothko, membre fondateur lui aussi de l’École de New York, il cherche à renouveler l’abstraction. On a coutume de lui attribuer sa véritable «identité» à partir de 1948, avec la toile Onement (plusieurs tableaux par la suite porteront ce titre), un aplat rouge traversé d’une bande orangée excentrée. Le mot «onement», inexistant en anglais, proviendrait du mot «atonement» qui désigne la «rédemption». Un champ spirituel profond que l’artiste, tourmenté par la tragédie de notre époque, la Shoah, n’aura de cesse d’interroger.


Canto XV, 1963-64, lithographie
sur papier, 375 x322 mm
© ARS, NY and DACS, London
2002
Un nouveau commencement
Cette exposition est la première grande rétrospective depuis celle de 1972 qui, après New York, avait circulé à Londres, Amsterdam et Paris. Distribués en treize salles, les cinquante peintures, la trentaine de dessins et les cinq sculptures en acier adoptent un classement chronologique classique mais efficace. Il permet un cheminement progressif, du noir et blanc des petits formats sur papier du début (au rendu proche du travail de la gravure sur bois) à l’intrusion progressive de la couleur sur des toiles toujours plus grandes. L’atmosphère de recueillement et de méditation qu’inspirent ces toiles, contrairement aux œuvres de Rothko où la couleur imprime un éblouissement instantané au spectateur, n’est pas gagnée d’avance. Elle s’insinue peu à peu, au rythme d’allées et venues dans les salles, de stations prolongées devant les flashs colorés, mais de prime abord austères. On finit par voir, sans impression d’anéantissement ou de froideur, l’éclat de la couleur (huile ou acrylique) et la maîtrise des immenses formats. L’exposition se clôt par les triangles isocèles de Chartres, 1969 et Jericho (1968-69), des associations, toujours dans la verticalité, de noir, d’orange, de jaune et de bleu. «Ils disent que j’ai poussé l’abstraction à l’extrême, alors qu’il me paraît évident que j’ai simplement imaginé un nouveau commencement», soulignait Newman. Celui qui déclarait qu’«un atelier est un sanctuaire», est mort en 1970, terrassé par un accident cardiaque, l’année même où son camarade Rothko se suicidait.


 Yamina Benaï
20.11.2002