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Les fétiches par le geste

Un catalogue renouvelle la compréhension des reliquaires nkissi du Congo.

En évoquant la place centrale du nkondi dans le système magico-religieux des peuples kôngo, les spécialistes mettaient jusqu’alors en avant le rôle de la charge magique. Ce réceptacle apposé sur la statue canalyse en effet les énergies. La terre qui en constitue la base enserre symboliquement l’esprit. Quant aux objets qu’il contient - griffes, tissus, plumes, dents, etc. -, ils lui délivrent un message. Il s’agit de maîtriser les forces négatives susceptibles de troubler l’ordre : maladies, litiges, guerres…

Typologie des attitudes
C’est une vision nouvelle de ces reliquaires que propose Le geste kôngo. L’africaniste R.F. Thompson y dégage en effet une typologie des sculptures des différents groupes kôngo, en fonction de la gestuelle. Mis en relation avec des données ethnographiques, ce critère apparemment anodin se révèle primordial. Debout, assises, agenouillées, poing levé ou mains sur les hanches, ces figures ont un sens différent. Et les yeux incrustés en porcelaine ou en verre, jusqu’alors considérés comme une tentative de réalisme ou comme simple témoignage des relations avec l’Occident, sont tout aussi significatifs. Révulsés, ils se tournent vers le monde des défunts. Orientés vers le ciel, ils indiquent un état de transe…

Des reliquaires à la capoeira
Cette gestuelle extrêmement codifiée perdure aujourd’hui encore. Une imposante statue domine la tombe de Joseph Kasavubu, le premier président du Congo indépendant, dans un cimetière à l’ouest de Kinshasa. Elle reprend trait pour trait les gestes de Nkissi guidant leurs descendants. Sur le sol kôngo, ces références vont de soi. Mais on les retrouve également, et de manière plus inattendue, dans des figures de danse ou d’arts martiaux des communautés noires des côtes orientales du continent américain, comme la capoeira au Brésil. Survivance d’une époque où les esclaves d’Afrique centrale étaient acheminés vers les plantations de Louisiane ou de Caroline du Sud…


 Zoé Blumenfeld
05.11.2002