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Expositions

Boîte à tabac avec le portrait de Pierre Le Grand
© Musée de l'Ermitage


Poignée d'épée © Musée de l'Ermitage


Reflets dans un œil d’or

L’Ermitage présente, pour la première fois dans leur intégralité, ses chefs-d’œuvre d’ambre, qui viennent d'être restaurés.

SAINT-PÉTERSBOURG. Quand, en 1753, la tsarine Elisabeth Petrovna demande à Rastrelli de réaliser un cabinet d’ambre pour son palais de Tsarskoïé Sélo, elle ne se doute pas que cette pièce unique va nécessiter plus de dix tonnes de matériau brut. Elle n’imagine pas davantage que ce chef-d’œuvre de pierre sera un jour complètement démantelé : en 1941, l’occupant allemand s’en empare. Qu’est-il devenu ? Certains chercheurs pensent qu’il se trouve dans les profondeurs de la mer Baltique, d’autres qu’il est muré dans le donjon du château de l’Ordre teutonique de Palesk, d’autres encore affirment que l’ensemble des panneaux d’ambre a été détruit lors d’un bombardement en 1944... Comparé à cet étrange destin, la plupart des objets d’ambre collectionnés par les tsars de Russie ont fait meilleure fortune car ils ont été préservés parmi les joyaux de la Grande Catherine et au sein des collections du Kremlin.

Urine de lynx solidifiée
La noblesse moscovite ou pétersbourgeoise a toujours raffolé de cette résine fossile issue des profondeurs de la mer Baltique. Dès le XVIe siècle, les maîtres ambriers de Königsberg et de Gdansk ont confectionné, poli et sculpté des œuvres pieuses ou profanes pour la cour : du miroir de Pierre Ier à la canne de Catherine II, de l’échiquier de Paskevitch aux pipes du palais Anichkov... Disposées chronologiquement au sein de la Chambre bleue de l’Ermitage, ces œuvres uniques s’étendent de la période médiévale à l’ère post-soviétique. Parmi les cent-vingt pièces exposées sont présentes des boîtes à tabac, des cassettes et des vases précieux. On remarque également les talents de sculpteurs de la grande-duchesse Maria Fédorovna ainsi que des morceaux d’ambre du XVIIe siècle laissant apparaître des insectes fossilisés. Ces chefs-d’œuvre illustrent la vogue d’un matériau que Pline l’Ancien analysait comme de l’urine de lynx solidifiée…


 Florence G. Yeremian
11.11.2002