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Expositions

Petit-fils de Palissy

Continuateur du célèbre émailleur du XVIe siècle, Charles-Jean Avisseau est aujourd’hui honoré dans sa ville natale.


Charles-Jean Avisseau, coupe,
faïence émaillée, 18,8 x 25,5 cm,
collection particulière.
© Musée des beaux-arts de Tours.
TOURS. Alors que l’historicisme domine le goût du milieu du XIXe siècle, l’attention d’Avisseau (1795-1861) se cristallise sur les productions du maître de la Renaissance. Mythifié par les romantiques, Palissy passe pour le modèle de l’artiste humaniste, à la fois lettré et scientifique, capable de travailler vingt années durant à la redécouverte de l’émail. Avisseau, quant à lui, n’est qu’un esprit curieux. Mais doué d’un talent indéniable et d’une passion pour la nature, il s’attache à renouer avec une technique perdue. Il relance la mode de la «rustique figuline», cette céramique naturaliste où aucun vide n’est permis, ornée de multiples rochers, coquilles, batraciens, reptiles, crustacés ou végétaux. Son répertoire de forme s’inspire de la Renaissance - bassins, plats aux poissons, rochers, décors architecturaux, drageoirs… -, s’adaptant, au besoin, aux désirs d’une clientèle bourgeoise. Une quinzaine d’émules animeront l’École de Tours : ses enfant tout d’abord, Édouard et Caroline, mais aussi Joseph Landais, les Chauvigné père et fils, Léon Brard ou encore Henri Carré de Busserolle.

Plus qu’un pâle copiste
Servie par une muséographie efficace et une présentation de taille modeste, l’exposition démontre intelligemment qu’Avisseau ne fut pas qu’un pâle et servile copiste, lui qui refusa tout gain facile en apposant signature et monogramme sur toutes ses créations. Le prêt de quelques œuvres de Palissy - elles n’ont pas besoin d’être nombreuses - produit une éclairante confrontation. À une palette où dominaient les bleus, verts et jaunes, Avisseau ajoute le rouge et brun de chrome, ravivés par des glaçures transparentes qui donnent un brillant nouveau aux pièces. Ses formes plastiques acquièrent davantage de liberté : les figures qui prolifèrent - moulées sur nature ou façonnées - s’échappent du fond des bassins, se meuvent librement jusque sur le marli, dans une ultime contorsion, reflet de la cruauté de son bestiaire. La démonstration est convaincante : Avisseau fut bien l’un de ces savants éclectiques du XIXe siècle, passé maître dans l’art de la réécriture. Son succès commercial ne l’a pas démenti.


 Sophie Flouquet
13.11.2002