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Expositions

Kiefer joue l’ésotérisme

S’inspirant de la tradition hermétique de la Renaissance, le peintre allemand invente sa propre cosmogonie.


Anselm Kiefer, Livre en plomb, 2002.
© Courtesy Anselm Kiefer, Yvon Lambert.
PARIS. Au 108, rue du Vieille du Temple, après les quelques marches de la cour, on pénètre dans la majestueuse salle à verrière et structure en métal de la galerie Yvon Lambert. Sur l’immense mur immaculé qui fait face, d’une écriture à la fois ronde et pointue, propre à la calligraphie des gens de culture allemande, il est écrit : «La vie secrète des plantes». C’est tout. À gauche et à droite, accrochés aux murs, vingt panneaux d’Anselm Kiefer. Inspiré des pensées et des estampes de Robert Fludd, philosophe hermétiste, kabbaliste, alchimiste et médecin anglais (1574-1637), Kiefer invente sa propre «Meteorologia cosmica».

Une mémoire qui vient de loin
Une poussière grise et lumineuse, comme la première neige sur la terre labourée, couvre toutes ses toiles. Des chiffres savants, des noms ésotériques inscrits en majuscules… Puis des droites blanches qui relient des points stellaires les uns aux autres, à l’image d’une carte du ciel. Soudain, prise dans la texture grise d’un des tableaux, on aperçoit une paire de chaussures. À tort ou à raison, on pense immédiatement à L’Origine de l’œuvre d’art de Martin Heidegger, où le philosophe fait le rapprochement entre la paire de godillots de Van Gogh et ceux d’une paysanne au travail : «Monde et terre ne sont là qu’ainsi… soudés.». Kiefer introduit aussi des branchages dénudés, peints en blanc, et d’autres objets en bois, qui se confondent avec les mots. Les œuvres acquièrent une puissance extraordinaire, où le langage et l’image se nourrissent l’un de l’autre, nécessairement. Anselm Kiefer est né en 1945 à Donaueschingen, en Forêt Noire, aux sources du Danube, et a grandi au bord du Rhin. Mais lorsqu’il évoque la mémoire, il ne parle pas de celle qui se constitue au moment de sa naissance mais de celle qui vient de beaucoup plus loin. On regrette l’absence d’un catalogue qui aurait permis de mieux comprendre ces filiations.


 Ileana Cornéa
15.11.2002