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Expositions

Guimet expose son karma

Le Musée national des arts asiatiques lève le mystère sur les visions du cinquième Dalaï-Lama au XVIIe siècle.


Manuscrit des visions secrètes, objets
utilisés dans les rites destinés à
repousser les esprits maléfiques, Paris,
Musée national des arts asiatiques-
Guimet, donation Lionel Fournier.
© Lionel Fournier.
PARIS. Le titre de Dalaï-Lama est donné pour la première fois en 1578, par un empereur mongol, pour désigner la manifestation humaine du bodhisatva Avalokitesvara. Signifiant «Océan de sagesse», ce terme désigne le chef spirituel de toutes les écoles bouddhistes tibétaines. Un an après sa naissance, Lozang Gyatso (1617-1682) est choisi par l’ordre des Gelugpa pour réincarner le Dalaï-Lama précédent. Dès l’âge de six ans, il est sujet à des visions, perçues comme autant d’enseignements et de conseils dictés par des figures historiques. Jamais autant de prophéties n’avaient été livrées à un maître tibétain. La muséographie entend restituer cet univers visionnaire. L’éclairage met en évidence les figures sculptées présentées dans des vitrines, tandis que des peintures d’offrande rythment le parcours «initiatique» de l’exposition. Une prière d’invocation à Padmasambhava (VIIIe siècle), introducteur du bouddhisme au Tibet, plonge le visiteurs dans l’atmosphère des cérémonies rituelles. Ce dernier personnage apparaît à de nombreuses reprises et sous ses différents avatars, comme en témoignent une représentation peinte à la détrempe et or sur toile (XVIIe-XVIIIe siècle) ou un masque en bois polychrome (XIXe siècle ?). Selon Jean-François Jarrige, conservateur, «on peut même entendre le Dalaï-Lama en se concentrant»…

Des foudres-diamants au Manuscrit d’or
Elaborés selon des règles précises, les objets d’art rituels étaient utilisés dans des cérémonies associant des récitations (mantra) et une gestuelle symbolique (mudra). Parmi les pièces les plus étonnantes : les foudres-diamants (vajra) confectionnés avec du fer météorite, des dagues divinisées, symboles d’indestructibilité, des épées rituelles ou encore des masques de farouches divinités. Mais le clou de l’exposition est sans aucun doute la présentation des 184 feuillets du Manuscrit d’or (1674-81) qui fait partie de la donation, sous réserve d’usufruit, consentie en 1989 par Lionel Fournier. Cet ouvrage, exposé pour la première fois dans son intégralité, relate les expériences visionnaires du cinquième Dalaï-Lama. Sur ces petites planches noires de même taille figurent les dispositifs des cérémonies et des pratiques rituelles associées aux divinités. «J’ai relaté (ces visions) en pensant qu’elles seraient profitables aussi bien à moi qu’à d’autres». Cette citation qui conclut le manuscrit invite le visiteur à méditer sur ces symboles qui conservent encore, pour beaucoup, tout leur mystère…


 Stéphanie Magalhaes
28.11.2002