Home > Le Quotidien des Arts > Aztèques à Piccadilly

Expositions

Aztèques à Piccadilly

Avec près de 400 œuvres, dont beaucoup n’ont jamais quitté le Mexique, la Royal Academy organise la plus importante rétrospective sur l’empire méso-américain.


Homme aigle, c. 1440-1469,
terre cuite, stuc et peinture,
170 x 118 x 55 cm, Museo del
Templo Mayor, Mexico City,
CONACULTA-INAH.
© Photo Michel Zabé.
LONDRES. Soutenue par un propos thématique d’une grande clarté, la présentation allie savamment théâtralité et sobriété. Théâtrale, en effet, est l’évocation du Templo Mayor, l’aire sacrée de la capitale engloutie par la cathédrale de Mexico, qui régurgite depuis plus de vingt ans quantité de pièces surprenantes. C’est en revanche la sobriété qui prévaut lorsqu’il s’agit d’évoquer les pratiques sacrificielles humaines, généralisées par les Aztèques à des fins politiques. Couteaux sacrificiels anthropomorphes et figures du dieu de la terre Xipe-Totec, revêtu de la peau de ses victimes, ont ainsi été préférés aux terribles râteliers de crânes découverts au Templo Mayor. Ce parti scénographique évite donc l’ethnologie pour mettre l’accent sur les chefs-d’œuvre... et ils sont nombreux !

Un art tout en symbolisme
Sculptures monumentales, poteries, parures luxueuses d’or, de plumes ou de turquoise, codex pictographiques témoignent de l’originalité des productions aztèques. L’art y est syncrétique, nourri des formes et techniques de leurs prédécesseurs, mais doté d’une attention nouvelle au naturalisme. Il n’est jamais gratuit, tant il est voué aux pratiques cultuelles ou à l’affirmation d’un statut social. Dans ce cadre rigoureux où la figure humaine est omniprésente, des pièces émouvantes ont pu être créées, comme en témoigne la Vénus de Tetzcoco, dont le corps au traitement délicat contraste avec la brutale stylisation du visage. Les Espagnols n’ont pas été indifférents à la dextérité des artisans aztèques : les présents offerts par Moctezuma II ont été précieusement conservés dans les cabinets de curiosités. Certains rejoignent pour quelques mois ce royaume aztèque fictif, comme témoignages d’une rencontre tragique : Cortès avait été accueilli comme la réincarnation du dieu perdu Ehecatl-Quetzalcoatl, dont la figure ouvre l’exposition. Il n’aura fallu que quelques années au conquistador arrivé en 1519 pour abattre l’empire aztèque. Un dieu à face de diable…


 Sophie Flouquet
09.12.2002