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Hissez haut le perroquet

L’achat par la Ville de Paris d’une installation de Marcel Broodthaers déchaîne une polémique qui n’aurait pas déplu à l’artiste belge.

PARIS. Son nom était probablement inconnu de la plupart des contribuables parisiens mais il connaît une gloire posthume inattendue. Par l’intermédiaire d’un sien perroquet, Marcel Broodthaers (1924-1976) a contribué à animer une séance du Conseil de Paris. «C’est la porte ouverte au fascisme», s’est emporté Christophe Girard, l’adjoint à la Culture de Bertrand Delanoë. Il ne s’adressait pas au perroquet mais à un conseiller de l’opposition et lui reprochait d’intervenir dans le domaine réservé des responsables de musées, l’enrichissement d’une collection municipale, en l’occurrence celle du Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Un refus d’ingérence politique qui a d’ailleurs été partagé par Jacques Toubon, ancien ministre de la Culture. L’installation, qui aurait été négociée à 210 000 € auprès d’un collectionneur privé, s’intitule Ne dites pas que je ne l’ai pas dit. Le perroquet. Elle consiste en une cage avec deux palmiers, un magnétophone répétant en boucle «Moi je dis moi je dis» et un perroquet en activité. Son acquisition permettra au musée dirigé par Suzanne Pagé de rivaliser avec le Centre Pompidou, qui possède la Salle blanche (1975) du même artiste. Mais l’opposition s’inquiète de la durée de vie de l’œuvre et la SPA se préoccupe de la santé du volatile. «Ces polémiques sont ridicules, s’insurge Béatrice Parent, conservatrice au musée. Pensez-vous que le perroquet est là depuis 1974 ? Il aurait eu le temps de mourir cent fois ! Une installation de ce genre n’est jamais montrée en permanence. Il y a par ailleurs des règles très précises à respecter pour l’exposition d’animaux, subordonnée à une autorisation de la préfecture.» Ce débat permet, par ricochet, de soulever un problème passionnant, la conservation des œuvres contemporaines. Que faire quand un moniteur tombe en panne chez Nam June Paik et que le modèle n’est plus en production ? L’inquiétude n’est pas de mise pour Broodthaers : le perroquet à queue rouge du Gabon est moins rare que le téléviseur Panasonic 1970.


 Rafael Pic
30.11.2002