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Patrimoine

Qui veut bétonner l’archéologie ?

La loi sur l’archéologie préventive, votée en janvier 2001, vient de subir deux amendement-rebuffades. Le texte sera-t-il vidé de sa substance ?


Pressoir à vin médiéval découvert
sur le "port de la mer" de Bordeaux
(Gironde) © Patrrick Arnaux, INRAP
2001
La loi du 17 janvier 2001 a tenté de mettre un terme à une pratique contestée à la fois par les archéologues et par les promoteurs. La redevance que tout aménageur doit payer pour permettre les fouilles archéologiques sur le site d’un nouveau projet, était en effet négociée au coup par coup. Depuis l’entrée en vigueur du texte, en février 2002, elle fait l’objet d’un calcul rationnel, qui prend en compte la hauteur de la couche à fouiller ou le nombre de structures archéologiques à l’hectare. Le résultat ne semble pas satisfaire tout le monde… «Je ne suis pas contre cette loi, explique Daniel Garrigue, député-maire de Bergerac, mais elle a introduit un mode de calcul qui renchérit considérablement le coût des travaux. J’ai découvert ce problème avec le cas précis de la Nationale 21, qui doit contourner Bergerac. Le coût des fouilles est de 30 millions FF sur 225 millions FF de travaux. Soit près de 15% du total ! L’amendement que j’ai soumis à l’Assemblée nationale propose de diviser par deux le montant de la redevance, uniquement pour l’année 2003, le temps d’apporter les réformes nécessaires au texte». Jean-Paul Demoule, président de l’Institut national des recherches archéologiques préventives (INRAP), l’établissement public créé par la loi, qui regroupe 1 500 personnes, soit la moitié des archéologues professionnels en France, ne partage pas ce point de vue. «Le Bergeracois abrite des sites paléolithiques de première importance, difficiles à fouiller. Avec le nouveau système, la redevance nous rapporte 1 million € tandis que les fouilles vont nous coûter le triple. Avec l’ancien système de négociation, cela aurait coûté encore plus cher à la ville ! En réalité, le surcoût dans le projet de rocade provient plutôt de procédures sur certains terrains. D’une façon générale, nous avons chaque année 4 000 prescriptions dans toute la France et les problèmes ne se posent que pour quelques dizaines d’entre elles. L’archéologie préventive, c’est 100 millions € alors que le chiffre d’affaires du BTP est de 100 milliards €. Elle est à peu près près indolore pour les aménageurs, qui la répercutent généralement.» Si l’amendement du sénateur Henri de Raincourt, qui vise à abroger la loi, ne sera discuté qu’en février ou mars, celui du député Garrigue le sera dans les jours qui viennent. Il concerne en effet la loi de finances 2003, qui doit être définitivement votée avant la fin de l’année. Le gouvernement a exprimé son opposition aux deux amendements.


 Rafael Pic
09.12.2002