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Patrimoine

Garçon, un tournedos Van Gogh !

Génie du marketing : une table en chêne sur laquelle Van Gogh aurait peut-être pris ses repas fait le bonheur d’un restaurant californien.

CARMEL. « Ils sont devenus grands amis lors d’un déjeuner, qui a duré six heures, au café Beaujolais, sur la rive gauche » Van Gogh et Gauguin ? Non : Dominique Janssens et Walter Georis. Le premier est le patron de l’auberge Ravoux, à Auvers-sur-Oise, où le peintre a passé les deux derniers mois de sa vie. Le second est un entrepreneur belge qui a fait fortune sur la côte californienne, où il possède un vignoble et le Casanova, le « restaurant le plus romantique de Carmel ». Au printemps dernier, lors de longues vacances en France, Walter Georis fait étape à Auvers et se restaure à la célèbre auberge. Il admire le petit musée dédié au génie, dans les étages supérieurs. Avec M. Janssens, le courant passe immédiatement. Les deux hommes, qui se découvrent compatriotes, scellent une chaleureuse amitié, dont la relation lyrique apparaît sur le site internet www.vangoghstable.com. À l’approche du 150e anniversaire de la naissance de Van Gogh, M. Janssens fait un don inestimable à son homologue : la table en chêne, qui aurait servi aux repas frugaux du peintre. « Mais, un soir, la chaise de Vincent à la table demeura vide. Il était parti dans l’après-midi avec ses peintures et son chevalet, et n’était pas revenu à l’heure pour le dîner. Il faisait nuit quand il arriva finalement à l’auberge, grièvement blessé par le coup de carabine qu’il s’était tiré à lui-même. Van Gogh mourut deux jours plus tard dans le grenier de l’auberge Ravoux. » Pour accueillir la table, une petite salle va être aménagée. « Le menu y sera plus cher, explique Walter Georis, mais les six personnes qui pourront s’y asseoir auront droit à une introduction sur la vie à Auvers à l’époque de Van Gogh. Une partie du bénéfice sera reversé au Musée de Monterey pour les cours d’histoire de l’art. » En attendant, en décembre et janvier, les Carmélites sont invités à découvrir, pour 65 $, un dîner concocté par les chefs Didier Dutertre et Christophe Bony, venu spécialement d’Auvers. Salade de mâche et copeaux de foie gras, noix de coquilles Saint-Jacques aux poireaux, poires pochées au vin et à la cannelle : on doute que Van Gogh ait pu goûter tous les jours à ce genre de raffinements. Altruistes, les propriétaires du Casanova sont prêts à louer la table pour des réceptions privées. Une demande peut être remplie en ligne à l’adresse http://www.vangoghstable.com/events.html. Le formulaire ne dit pas si le prêt sera consenti en dehors des frontières de la Californie. « L’arrivée de la table marque le début d’un échange culturel entre deux communautés artistiques et deux restaurants de renommée mondiale », conclut le rédacteur de la notice. À se demander comment les douanes françaises ont pu autoriser la sortie de ce trésor national.




 Rafael Pic
07.12.2002