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Serlio de retour

Une monographie sur l’architecte sort au moment où il fait parler de lui de manière inespérée : un chercheur amateur vient de lui attribuer la paternité du château de Troissereux, dans l’Oise.

Sebastiano Serlio (v. 1480-1554) est largement méconnu en France. Si la nouvelle, récemment relayée par Le Monde, lui a donné un bref moment de notoriété, elle n’a pas emporté l’adhésion des historiens de l’architecture. Pour ceux-ci, l’argument avancé en sa faveur au château de Troissereux - une similitude de plan avec une œuvre incontestée, l’hôtel du Grand Ferrare à Paris - paraît bien mince. Cette polémique intervient alors que Gallimard publie l’édition française de la somme de Sabine Frommel, initialement parue en Italie en 1998, alors que les recherches sur le château picard n’étaient pas engagées. L’absence de commentaires sur Troissereux n’enlève pas son intérêt à l’ouvrage. Pour la première fois, sont approfondies avec minutie la biographie et l’œuvre de Serlio, notamment son chef-d’œuvre, le château d’Ancy-le-Franc, dans l’Yonne. Pas question, cependant, de se délecter d’images : l’iconographie étaye avant tout l’argumentation, la couleur (pourtant en «plus» dans cette édition française) étant limitée à une trentaine de pages sur Ancy-le-Franc.

Une œuvre en grande partie disparue
Au fil des pages, on découvre un architecte complexe, acteur de la Renaissance en France, qui a accepté l’exil pour devenir paintre et architecteur de François Ier après avoir échoué à Venise. Mais à Fontainebleau, le Bolonais est cantonné dans un rôle de consultant. C’est donc pour une clientèle privée qu’il construira, s’évertuant à concilier vocabulaire transalpin et traditions françaises. Beaucoup de ses édifices ayant été détruits, cette activité de bâtisseur fut longtemps occultée par son succès d’édition : neuf volumes de son traité, destinés à vulgariser par l’image les principes de Vitruve. Malgré la polémique, «l’affaire de Troissereux» pourrait enfin faire sortir Serlio de l’ombre. Une reconnaissance tardive mais bienvenue pour un architecte qui ne put ni s’imposer dans le maelström italien, ni lutter contre l’ostracisme des maçons français.


 Sophie Flouquet
27.12.2002