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Bataille autour de la collection Rau

Trois semaines après la confirmation du legs de la prestigieuse collection à l’Unicef par un tribunal allemand, les avocats suisses font appel.

L’année 2003 avait pourtant commencé sous de bons auspices pour Unicef - Allemagne… Le 19 décembre dernier, le tribunal de Constance a confirmé la validité du testament de Gustav Rau (1922-2002) par lequel ce riche héritier d’industriels de la région de Stuttgart, devenu médecin sur le tard, lègue l’ensemble de sa collection au Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef). L’une de ses porte-parole, Helga Kuhn, nous avait ainsi déclaré que «l’Unicef est très satisfait de cette décision par laquelle le tribunal s’est rangé à son argumentation point par point». Mais l’institution n’était pas sans ignorer que l’affaire n’en resterait sans doute pas là. C’est aujourd’hui chose faite.

Dernières péripéties
Le vendredi 10 janvier, la partie adverse a fait appel de la décision du tribunal de Constance. Quels sont les arguments développés par les avocats suisses dont Gustav Rau s’était séparé en 1997 ? Selon eux, le docteur Rau était incapable sur le plan juridique au moment de la signature du dit testament, le 26 octobre 1999. Celui-ci a en effet été rédigé une semaine après qu’un tribunal fédéral suisse l’eut jugé inapte, et bien avant la décision grâcieuse formulée par un tribunal de Baden-Baden en septembre 2000 selon laquelle le docteur était redevenu capable à la suite d’une intervention chirurgicale subie au mois de mars. Autre rebondissement, les autorités tutélaires de Zurich ont, le 9 janvier, mis sous curatelle la fondation Rau pour le Tiers-Monde, l’«autre» héritière du docteur. Avant le testament de 1999, c’est en effet à cette institution créée par Rau en 1986 que la collection devait revenir. Cette décision s’appuie sur un conflit d’intérêt. Lors du procès de Constance, la fondation Rau pour le Tiers-Monde n’aurait en effet pas été correctement défendue dans la mesure où une même personne du cabinet d’avocats CMS aurait représenté ses intérêts ainsi que ceux de l’Unicef.

Au cœur de l’affaire : 122 pièces
La bataille féroce qui entoure cette collection, la plus importante au monde après celle du baron Thyssen, se poursuit donc. Rappelons cependant que seules certaines de ces sept cent quarante-trois œuvres estimées autour de 500 millions € sont concernées par cet affrontement juridique. En effet, la propriété des six cent vingt et une pièces données par Gustav Rau à l’Unicef en septembre 2001 n’a jamais été contestée, contrairement à celle des cent vingt-deux restantes qui relèvent de l’héritage. Si ces contentieux devaient être réglés en faveur de l’Unicef, ce dernier pourrait organiser la dispersion de la collection. Celle-ci devrait alors se faire en deux temps. En effet, Gustav Rau a souhaité que le «cœur de la collection» - cent vingt-cinq peintures et cinquante-cinq sculptures données en 2001 - reste réuni pour les vingt-cinq années à venir. Après avoir été présenté dans le cadre d’une exposition temporaire itinérante, il rejoindra le Musée du Luxembourg à Paris où il restera en dépôt jusqu’en 2026.


 Zoé Blumenfeld
17.01.2003