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Jannic Durand, conservateur au Musée du Louvre

Jannic Durand, du département des objets d’art, révèle les mystères du triptyque Harbaville, sculpté au milieu du Xe siècle à Constantinople.


Triptyque d’Harbaville, Xe siècle, ivoire.
© Musée du Louvre.
L’œuvre a été acquise par le Musée du Louvre en 1891 auprès des héritiers du collectionneur érudit d’Arras, Louis-François Harbaville. Elle marque la fin de la crise iconoclaste (726-843) et témoigne du nouvel âge d’or byzantin ou «Renaissance macédonienne». Le tryptique est formé de trois plaques en ivoire d’éléphant d’un centimètre d’épaisseur et mesure moins de 28 centimètres de large. La scène centrale présente une image traditionnelle de la Deisis, prière universelle adressée au Christ. Ce dernier trône dans la partie supérieure, entouré de la Vierge à sa gauche et de saint Jean-Baptiste à sa droite. L’extrême qualité et le raffinement de l’œuvre sont perceptibles dans le détail des baies ajourées du repose-pied ou dans les finitions du manteau de la Vierge. C’est toute la maîtrise et l’art du sculpteur qui s’expriment ici. Quatre apôtres avec leurs attributs se tiennent dans la partie inférieure autour de saint Pierre. Les deux volets latéraux comprennent trois registres : deux saints militaires, deux médaillons et deux saints martyrs.

Démonstration intellectuelle
Une composition similaire est utilisée sur les revers des volets tandis que le dos du triptyque offre un tableau hors du commun. Une grande croix occupe tout l’espace disponible sous une voûte céleste constituée de vingt-quatre étoiles, tandis que les cimes de deux cyprès se rejoignent au cœur du symbole religieux. Des lianes de vignes et de lierre entourent ces arbres tandis que des oiseaux se fondent dans leurs frondaisons. Au sol, des plantes et des animaux vivent en harmonie, définissant une image du Paradis dominé par la croix victorieuse. Grâce à ce revers, on peut envisager un second sens de lecture : l’espérance en la résurrection de la chair. Deux autres pièces de composition et de style identiques sont conservées à Rome, au Palazzo Venezia et aux Musées du Vatican. L’ivoire Romanos de la Bibliothèque nationale de France, réalisé entre 945 et 949 dans un atelier impérial, présente des similitudes dans le traitement des drapés et dans les proportions. Destiné à un oratoire privé, le triptyque Harbaville est une œuvre de très grand luxe, certainement commandée par une personnalité de haut rang.


  Propos recueillis par Stéphanie Magalhaes
27.01.2003