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Patrimoine

Saqqara n’en finit pas de livrer ses secrets

L’équipe de l’archéologue Alain Zivie a mis au jour une nouvelle tombe richement ornée dans la zone du Bubasteion.

SAQQARA. L’Égypte pharaonique ne quitte jamais les feux de la rampe… Quand ce n’est pas le fait des grandes expositions, c’est par les exploits des archéologues. Deux importantes découvertes ont été rendues publiques le 19 janvier. La première, en Nubie, au nord du Soudan, consiste en plusieurs statues monumentales - dont celles des derniers pharaons noirs, Taharqa et Tanoutamon. La seconde, à Saqqara, est celle d’une tombe, qui appartenait à un scribe. «Ce personnage était le trésorier du temple d’Aton, précise Alain Zivie, qui dirige les fouilles du Bubasteion, dans un secteur à flanc de coteau. Nous ne le connaissons que par ses surnoms, qui sont Raiay et Hatiay. C’est un peu comme si, sur une tombe en France, on écrivait Jojo ou Dédé ! Quant à la tombe, qui fait une quinzaine de mètres de longueur, elle est vide et de nombreux cartouches ont été effacés. Ce n’est pas étonnant. Nous sommes dans une période de rupture.» Le scribe vivait en effet au temps d’Amenophis IV, qui s’était rebaptisé Akhenaton et avait fondé une nouvelle religion monothéiste, centrée sur le dieu Aton (le Soleil), et une nouvelle capitale, Akhetaton. «Le scribe a-t-il voulu faire oublier son nom d’origine, qui pouvait comporter une référence à un ancien dieu ? En ce qui concerne l’absence de mobilier, et notamment de sarcophage, on peut supposer que le retour à l’ordre, à la mort d’Akhenaton, s’est accompagné d’un déménagement du contenu de la tombe…» Celle-ci, qui se compose de deux pièces creusées dans la falaise, conserve un important cycle décoratif, gravé et en couleur. «Il s’agit de l’œuvre d’un artiste de premier plan, poursuit Alain Zivie. Il y a là des scènes funéraires, comme celle du rite de l’ouverture de la bouche, et la description de tout ce qu’on devait trouver dans une tombe : le sarcophage, le chat, le mobilier, etc. Cette tombe est du plus haut intérêt car elle est l’une des très rares datant du temps d’Akhenaton.»

Du nouveau sur Toutankhamon ?
Le site de Saqqara, à une trentaine de kilomètres du Caire, connu pour la pyramide du roi Djoser, est immense. «Ce plateau de 20 kilomètres de long, qui accueillait la nécropole de Memphis, est, avec Karnak, le plus grand site archéologique d’Égypte, explique Jean Leclant, secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, qui y a travaillé pendant près de 40 ans. De nombreuses missions s’y côtoient. Il y a les Français et les services égyptiens mais aussi des Japonais, des Italiens, des Allemands, etc., ce qui crée une atmosphère d’émulation réciproque très stimulante.» La tombe du scribe s’inscrit dans une longue liste de découvertes, qui ne sont pas toujours aussi parlantes pour le grand public. «Je citerai les textes que nous avons retrouvés à l’intérieur des appartements funéraires datant de l’époque des rois Pepi I et Pepi II, indique Jean Leclant. Ce sont les plus anciens textes funéraires de l’Antiquité : des milliers de fragments ! Nous les avons reconstitués comme un puzzle, que nous commençons à peine à publier.» Chaque découverte amène son lot d’interrogations, qui demandent des années de recherche. L’une des énigmes soulevées par la tombe du scribe plaira aux égyptomaniaques puisqu’elle met en scène une autre star… «Il y a quelques années, nous avons découvert la tombe de Maïa, la nourrice de Toutankhamon, rappelle Alain Zivie. Or, la femme du scribe s’appelle également Maïa. S’agit-il de la même personne ? Après avoir eu un enfant, elle aurait pu devenir, à la demande de Nefertiti, la nourrice du petit Toutankhamon. C’est bien sûr une hypothèse à vérifier. Tant de légendes circulent sur cette période…»


 Rafael Pic
27.01.2003