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Patrimoine

Joséphine Baker et le Paléolithique

Une statuette préhistorique a été mise au jour chez la danseuse des Années folles...


© Randall White
LES EYZIES. Tout près du château des Milandes, où la célèbre Joséphine s’était retirée, un petit garçon, Gwen Linnenkamp, fait une étrange découverte. Nous sommes en 1985 - la star de la Revue nègre est décédée depuis dix ans. En fouillant le sol à la recherche d’éclats de silex, Gwen est attiré par une pierre à la forme quasiment anthropomorphe. Elle trônera pendant près de quinze ans dans sa chambre avant qu’il ne se décide, en 2001, à la présenter à une sommité, Randall White, professeur d’anthropologie à la New York University, connu pour ses études sur les statuettes féminines de Kostienki, en Russie. «Il me semblait impensable que quelqu'un puisse me présenter un objet si complexe et d'un tel intérêt scientifique et artistique. La plupart des préhistoriens fouillent toute leur vie sans découvrir de tels objets…»

L’objet - que l’on ne peut dater au carbone 14 - est d’abord étudié au microscope optique. Puis il est soumis à une analyse au microscope électronique à balayage (MEB) du Laboratoire de recherche des Musées de France (LRMF). Soucieux de renforcer ces enquêtes par la méthode expérimentale, Randall White s’essaie à sculpter un galet en utilisant les mêmes instruments que nos lointains ancêtres… Les conclusions sont formelles : la statuette a été façonnée par la main de l'homme il y a plus de 20 000 ans. Interprétée comme deux dos de femmes opposées, avec une tête en forme de phallus, elle fait partie de ces Vénus paléolithiques alors très à la mode… Aussi peu vêtues que la danseuse à sa grande époque, elles étaient généralement dotées d’une tête réduite, d’une poitrine avantageuse, d’un gros ventre, de hanches généreuses. Éloge de la féminité, de la fécondité, objet de fantasme ? Sans doute un peu des trois. La précédente découverte d’une statuette de cette importance dans le Périgord remonte à une trentaine d’années. Gwen Linnenkamp a offert sa Vénus des Milandes au Musée national de Préhistoire, aux Eyzies, qui rouvre cette année.


 Romain Pigeaud
31.01.2003