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Pari gagné ? Dans un marché mondial en baisse, seule la France progresse.

À contre-courant des tendances mondiales, les ventes aux enchères de fine art en France affichent une belle santé, et la «Vieille Europe» grignote le Nouveau Monde. Décalage dans l'arrivée d'une crise plus générale, conséquence de la réforme du marché ? Quelques chiffres éclairent le débat.

Alors que le chiffre d'affaires mondial des ventes aux enchères de fine art baissait de plus de 7% en 2002, celui de la France a augmenté de 13,5%. Il est important de noter que cette hausse s'inscrit dans une tendance profonde depuis 1996, 2002 effaçant le léger recul entraîné en 2001 par l'effet 11 septembre. En 6 ans, le volume d'affaires du marché français a plus que doublé, passant de 104 à 240 millions €. Et cette nouvelle progression n’a fait qu'accentuer la tendance antérieure.

L'art ou la Bourse ?
La comparaison entre l'investissement en art et en Bourse est cruelle pour cette dernière. On peut espérer qu'elle le sera moins sur le long terme. Mais il reste que sur 30 mois, de juin 2000 à décembre 2002, 100 € investis en fine art en valent 107, alors que le même montant placé sur les valeurs du CAC 40 n'en vaut plus que 47,6. L'art a joué très efficacement son rôle de valeur refuge. Les relations entre les deux instruments de placement sont complexes. S'il est vrai, particulièrement aux États-Unis, que dès que la Bourse éternue les acheteurs d'art s'enrhument, le côté rassurant du marché du fine art n’a pu qu'inciter les amateurs à lui donner la préférence et à se faire plaisir avec bonne conscience. À ces raisons s'ajoutent la nouvelle donne du marché français et l'arrivée des auctioneers. Même s'ils n'ont produit effet qu'en fin d'année, les regroupements de maisons de ventes, l'évolution des méthodes de commercialisation et la qualité des ventes proposées ont joué un rôle déterminant.

On a gagné ?
Les cocoricos ne sont pas encore pour autant justifiés. Il faut se poser la question de savoir à qui profite cette avancée. Le chiffre d'affaires du fine art enregistré par Artprice pour la France a augmenté de 213 à 240 millions €, soit de 27 millions. En 2002, Sotherby's et Christies ont réalisé 27,8 millions contre 1,5 en 2001... L'augmentation vient en réalité des ventes des auctioneers (notons à cet égard que la valeur moyenne des lots vendus par Christie’s cette année s’élève à 21 658 € contre 6 595 pour le reste du marché). L'autre bénéficiaire est l'État dont les revenus fiscaux s'accroissent et qui ne peut que se féliciter d'avoir fait la réforme. S'y ajoutent bien sûr tous les emplois induits et l'impulsion donnée au marché dans son ensemble. Quant aux maisons de ventes françaises, elles ont globalement maintenu leur chiffre d'affaires dans un marché mondial en baisse, ce qui est un premier pas. À elles maintenant de faire la différence. Et si l'État pouvait, à l'occasion de cette démonstration, comprendre qu'en supprimant les prélèvements qui rendent le marché moins concurrentiel, il reprendrait largement d'une main ce qu'il perdrait de l'autre, les choses iraient évidemment plus vite.


 Jacques Dodeman
12.02.2003