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Expositions

Helmut Newton Thierry Mugler, Monaco, 1998, © 2000 Helmut Newton, Monte Carlo


L'érotisme de Newton dans New York sinistré

L'International Center for Photography présente les belles femmes glacées de Helmut Newton. Une atmosphère à mille lieues des préoccupations de la ville.

Une exposition d’Helmut Newton à New York, dans le contexte de l’après 11 septembre 2001, il fallait s’y attendre, apparaît comme extrêmement risquée, voire déplacée. Difficile d’entrer dans l’univers de ce photographe qui flirte avec le mauvais goût, alors que toute la ville respire l’émotion, l’inquiétude, traduit la violence du choc. Difficile de suivre Newton dans les méandres de ses jeux avec le sexe, le luxe, ses provocations sur le thème de la femme objet, toutes ces images dont on ne comprend d’ailleurs pas toujours le sens et la portée exacts. Qui est en fin de compte Newton? Que pense-t-il de ce qu’il nous montre, de ces gens qui font la mode, le cinéma, la politique : pourquoi par exemple ce portrait de Jean-Marie Le Pen? L’exposition itinérante qui s’arrête aujourd’hui à l’I. C. P. présente toutes les facettes de son travail : un choix de portraits en ouverture, puis les nus, la mode, ainsi que des ensembles plus limités tels que les «montages», les «orthopedic series» ou les «mannequins».

Beaucoup d’images sont connues, quelques-unes datent de la fin des années quatre-vingt dix et un film documentaire réalisé par June, l’épouse du photographe, alias Alice Springs, vient en quelque sorte consolider le mythe du photographe côtoyant les modèles aux formes avantageuses. Dans cette oeuvre, le noir et blanc joue un rôle déterminant quant au climat qui est instauré, il est traité, dans les portraits notamment, de façon très incisive. Or curieusement, un certain nombre d’images sont présentées sous la forme de tirages laser haute densité dont la matière, le rendu des noirs, lorsque l’on s’en approche, s’avèrent bien inférieurs au tirage photographique traditionnel. Sans doute, le parti pris du grand format et les contraintes de l’itinérance ont-ils pesé en faveur de ce choix, mais une des qualités du travail de Newton sur le plan formel s’en trouve ainsi altérée. Cela dit, l’objectif de cette exposition n’était pas d’entrer dans les détails d’une esthétique photographique, encore moins de poser des questions. Elle participe plutôt, comme son titre l’indique, « Helmut Newton : Work », d’une volonté de présenter au plus grand nombre une oeuvre qui est, il est vrai, plus connue, et par la même occasion plus discutée, de l’autre côté de l’Atlantique.


 Gabriel Bauret
08.10.2001