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Beau et fort : l’art, l’eau et le vent

Beaufort : la première triennale d’art contemporain belge affronte les éléments, du 6 avril au 28 septembre 2003


Le premier rendez-vous de la Triennale d’art contemporain en Belgique est à l’image du nom donné, celui de ce marin irlandais qui inventa l’échelle de mesure du vent : beau et fort. Jeu de mots voulu par les organisateurs qui affichent l’ambition de rivaliser avec la biennale de Venise ou la Documenta de Cassel.
Amener la mer au musée, et l’art à la mer : tel était le souhait du commissaire général de l’événement, Willy Van den Bussche, conservateur du Musée d’art moderne d’Ostende. Pari réussi et pourtant peu évident : comment affronter aujourd’hui le thème de la marine sans paraître démodé ? Comment faire face à l’immensité de l’eau, de la plage et du ciel sans se voir englouti ? L’exposition « Marines côte à côte », au Musée d’art moderne d’Ostende, répond brillamment par la confrontation des modernes et des contemporains, de Monet et Turner à Alex Katz et Luc Tuymans. Si la division en quatre thèmes - intitulés ligne émotionnelle, ligne rétinienne, ligne visionnaire et ligne narratrice - paraît un peu artificielle, l’accrochage est sans cesse stimulant, découvrant des dialogues inattendus : Gerhard Richter face à Turner, ou Barcelo face à Kiefer, quelles trouvailles ! Certains artistes ont même accepté d’œuvrer spécialement pour l’exposition, nous révélant parfois une facette inattendue, tel Alex Katz peignant la vague au plus près, revêtue de gris, de fougue et d’austérité.
Parallèlement, les artistes ont envahi la côte sur près de soixante kilomètres, de La Panne à Knokke le Zoute, en neuf lieux différents. Une vraie gageure pour ces neuf villes réunies par un projet de commandes, orchestré par quatre hommes, sous l’impulsion de Willy Van den Bussche. Neuf artistes internationaux ont travaillé sur le thème des balises, entre ciel et terre, neuf photographes sur des panneaux mis en place spécialement. Un carnet de commandes si colossal, financé essentiellement par les villes, les ministères flamands de la culture et du tourisme, et reposant sur le fond culturel issu de l’exposition « d’Ensor à Delvaux », mérite d’être estimé. Les artistes semblent judicieusement choisis, jeunes et moins jeunes, connus et moins connus trouvant un équilibre mutuel. Ces soixante kilomètres, que l’on peut parcourir en bus ou en vélo, sont autant de stations surprenantes, émouvantes ou poétiques, livrées en pâture au public. Nous ne saurions tout citer mais l’armée de sculptures d’Antony Gormley, submergée par le sable et les eaux, le cavalier de Jan Fabre chevauchant une tortue géante, l’atelier de reliques en bronze de Daniel Spoerri ou les chevaux enlacés et pendus de Berlinde de Bruyckere ne se laissent pas facilement oublier. Défiant les éléments comme la baigneuse suspendue et frissonnant dans le vent de David Mach, chaque installation dialogue avec l’histoire et la physionomie de ces lieux façonnés par la mer et le vent. Marcher sur les eaux est enfin possible, grâce au tunnel de fortune de Winter et Hörbelt. Cette Triennale s’ouvre sur les noces de l’art, de l’eau et du vent et se révèle à la hauteur de tels éléments.


 Emmanuelle Amiot
24.04.2003