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Expositions

Miró, la vision en relief

Les créations tardives de l’artiste catalan montrent une passion dévorante pour la sculpture.


Joan Miró Donna scarmigliata,
1969 © Fondazione Antonio
Mazzotta
MILAN. Les œuvres de Joan Miró réunies à la fondation Mazzotta sont celles que l'artiste majorquin avait choisies pour la fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence. Il souhaitait y montrer des peintures, des sculptures, des œuvres sur papier, des tapisseries, qui étaient celles qu'il était en train d'imaginer et de réaliser. Si ses peintures déçoivent - elles semblent une redite d'ouvrages passés - ses dessins démontrent une incroyable vitalité (les Personnages oiseaux de 1976 en sont un bel exemple). Mais ce sont surtout ses sculptures qui frappent. Elles forment un univers de figures improbables (la Femme de 1967), un bestiaire d'objets hétéroclites. Miró a commencé à travailler la sculpture au début des années 1960 et c'est en tant que sculpteur qu'il a voulu imposer sa présence dans l'architecture sortie de la table à dessin de son ami Josep Lluis Sert. Il exécute en 1962 le projet de l'arc de la fondation, dont on voit ici le modèle en bronze. Certains bronzes sont peints, comme La Femme et l'Oiseau (1967) : c’est un assemblage, avec une grande fourche jaune dont le manche transperce une caisse noire agrémentée d'un cône vert et d'un vase rouge. Mais la plupart ne le sont pas et tirent simplement profit des qualités tactiles du matériau, qui est souvent bosselé ou rayé comme c'est le cas dans l'Horloge du vent, où une petite cuiller fait office d'aiguille. L'humour, l'érotisme, la dérision sont les principaux ingrédients de son art alors que Miró a amplement dépassé l'âge de la maturité. Rassemblés dans un autre lieu et selon un agencement différents, ces gouaches, ces huiles, ces eaux-fortes, ces illustrations qui sont si caractéristiques de cette période quasiment abstraite constituent un contrepoint singulier à ces extravagances en bronze qui demeurent son aspect le plus créatif. Voilà un curieux et intéressant voyage dans l'imaginaire d'un homme qui, à soixante-dix ans passés, était bien résolu à ne pas vieillir.


 Gérard-Georges Lemaire
06.05.2003