Home > Le Quotidien des Arts > Venise se soigne à l’air comprimé

Patrimoine

Venise se soigne à l’air comprimé

Silvio Berlusconi pose aujourd’hui la première pierre du système de digues mobiles qui devrait atténuer le phénomène de l’acqua alta.


Le futur système Mose
A Venise, l’année 1966 est marquée dans les annales aux couleurs de l’eau et de la boue. Elle fut celle de la plus catastrophique inondation du siècle. Depuis près de quarante ans, les experts discutaient de la meilleure façon de défendre la ville des Doges. La décision a enfin été prise : Venise sera protégée par un système de 78 digues mobiles, qui s’étendront sur plus d’un kilomètre et demi, à l’entrée de la lagune. En absence de danger, ces sortes de pont-levis creux seront remplis d’eau et reposeront par le fond. Dès que la marée dépassera le niveau d’alerte – fixé à 110 cm - de l’air comprimé y sera injecté. La différence de densité les fera se redresser pour opposer une barrière aux vagues et clore la lagune. Quatre heures plus tard – la durée moyenne d’une acqua alta – elles reprendront leur position initiale. Ces digues auront des dimensions variables : entre 3,6 et 5 mètres d’épaisseur, entre 18 et 28 mètres de longueur. Elles pourront être réparées grâce à un tunnel qui les unira à leur base mais l’espérance de vie annoncée – un siècle – semble exagérément optimiste. Les travaux devraient durer huit ans et coûter six milliards d’euros. A leur conclusion, ils permettront de mettre la ville à l'abri de marées exceptionnelles de 200 cm. Des opérations complémentaires comme le dragage des fonds, aideront à en renforcer l’efficacité. Si l’accord obtenu dépasse les traditionnels clivages politiques, il ne s'agit cependant pas d’unanimité. En dehors des armateurs, inquiets pour le trafic portuaire, les écologistes ne sont qu’à moitié convaincus par ce projet Moïse (en italien Mosè, acronyme de Modulo sperimentale elettromeccanico), car il ne s’attaque pas aux véritables causes de l’affaissement de Venise (23 cm en un siècle), en particulier le pompage des nappes phréatiques par la zone industrielle de Porto Marghera ou la modification du régime des fleuves qui alimentent la lagune.


 Rafael Pic
14.05.2003