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Marché

Wynn le winner

Le triomphe de Cézanne et Renoir lors des ventes new-yorkaises doit beaucoup à un seul homme…

Chaque saison, c’est la même chose. Les grandes enchères de printemps et d’automne font office de baromètre. Si elles sont satisfaisantes, le marché de l’art est dit robuste, tonique ou bien orienté. Si elles laissent un goût amer, on considèrera que le marché s’interroge ou marque une pause. Les ventes d‘art moderne et impressionniste de New York, la semaine dernière, étaient attendues avec fébrilité, après une longue période d’incertitude. Les responsables se sont montrés satisfaits. Dans les roses, de Renoir, envolé à 23,5 millions $, un autoportrait de Cézanne à 17,4 millions $, une Danseuse de Degas à 10,6 millions $, un Mondrian à 8 millions $ et un Pissarro, La Route de Rocquenquourt - aujourd’hui plus connu pour son triangle - à 5,6 millions $. Le portrait de la jeune madame Clapisson, réalisé par Renoir en 1882, avait été refusé par le commanditaire, le collectionneur Léon Clapisson. Le marchand Durand-Ruel, plus clairvoyant, s’en était porté acquéreur. Il l’avait revendue aux Etats-Unis en 1886 sous un autre nom, en faisant la première œuvre de l’artiste à traverser l’Atlantique, où elle est restée jusqu’à ce jour. Quant au Cézanne, il s’agissait de l’un des quatre rares autoportraits réalisés dans les quinze dernières années du peintre - autrement plus prolifique dans ses jeunes années - et le dernier encore en mains privées. Sur cette toile de 1895, qui avait appartenu à Ambroise Vollard, à Bernheim-Jeune et à Wildenstein, Cézanne a cinquante-cinq ans. Il a une bouche amère, des épaules voûtées par l’inquiétude. S’il commence à avoir une clientèle, il vend dix fois moins cher que Monet et a été mortifié, la même année, par la décision de l’Etat français de ne pas accepter trois de ses tableaux qui faisaient partie du legs Caillebotte… A y regarder de plus près, on peut tempérer l’optimisme des maisons de ventes : les estimations étaient volontairement modérées et un cinquième des lots ont été ravalés dans chacune des grandes vacations Sotheby’s et Christie’s. Plus significatif : un seul homme a orienté, par ses interventions, le cours des ventes. Steve Wynn, empereur du jeu de Las Vegas, a raflé le Renoir et le Cézanne. A lui seul, il a donné des couleurs au marché…


 Rafael Pic
17.05.2003