La revanche d’Oteiza

PAMPELUNE. Ironie du sort, les deux grands amis, puis rivaux en froid, sont morts presque en même temps, Eduardo Chillida (1924-2002) ayant précédé de peu Jorge Oteiza (1908-2003). Pendant cinquante ans, ils ont lutté à distance, Chillida accaparant l’attention internationale. Oteiza tient aujourd’hui sa revanche avec le grand prisme rouge de sa fondation, posé au sommet d’une colline navarraise par l’architecte Francisco Sáenz de Oiza, son ami de toujours, qui a voulu faire «le contraire d’un temple religieux traditionnel». La lumière la plus forte arrive sur les flancs et le cœur est plongé dans une semi-pénombre, à l’opposé des principes qui régissaient les cathédrales mais dans l’esprit d’Oteiza, qui a travaillé plusieurs années dans un mystérieux atelier-tunnel. Les terrains environnants ont été achetés pour éviter que des constructions ne viennent entamer la solennité du lieu. Le musée ne se veut pas simple lieu d’exposition. On pourra y étudier la carrière d’un artiste obsédé par le combat de la matière et du vide, à la lumière de quelque 1700 scultures, en ciment, pierre ou aluminium, et 600 dessins. On pourra aussi y restaurer ses pièces, soumises à l’usure des éléments. Esprit polymorphe, mystique et ascétique, Oteiza a beaucoup écrit et réfléchi sur l’esthétique. Il a tenté d’exprimer sa quête de l’absolu dans des formes simples, dépouillées, à l’image de cette série sur les sphères, qu’il creusait pour n’en laisser qu’un squelette. Cette recherche a souvent rejoint l’architecture. Oteiza a d’ailleurs reçu en 1954 le Premio nacional de arquitectura pour un projet – jamais réalisé - de chapelle sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, sans toit mais protégé par une résille d’aluminium.