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Ingrid Caven, un profil cosmopolite

Muse de Fassbinder, chanteuse réaliste, elle fait l'objet de la première émission de la série «Profils», sur Arte. Beaucoup de mots, peu de notes : on reste sur sa faim.

La chanteuse de la Sarre a longtemps été la muse de Fassbinder. Tombée dans un semi-oubli, elle en est sortie de façon spectaculaire par l'intermédiaire du livre que lui a consacré son biographe et compagnon, Jean-Jacques Schuhl. Sobrement intitulé Ingrid Caven, il a obtenu le Goncourt 2000. La voix rauque, l'hiératisme des gestes opposé à l'expressivité du visage - la scène du début de l'émission dans laquelle elle se maquille et fait la moue est parlante - correspondent parfaitement à l'image standardisée que le spectateur français peut se faire d'une chanteuse allemande. Marlene Dietrich ou Ute Lemper rentrent dans cette définition.

On entend malheureusement peu la voix d'Ingrid Caven si ce n'est pour raconter, en de longs monologues, filmés de façon statique - volontairement, semble-t-il - les moments marquants de sa vie. Elle repasse sur les lieux de son enfance, raconte avec sensibilité le duel musical qui l'oppose à son père, nous présente le paysage industriel de la Sarre, nous dit sa surprise lorsque Jean-Jacques Schuhl lui annonce qu'il veut la peindre à coup de mots. On aurait aimé plus de Brecht, plus de Berio, plus de John Cage…

S'intercalant entre ces propos surgissent des boute-en-train, comme Peter Land qui ne cesse de tomber de ses escabeaux ou Claudio Parmiggiani qui brise interminablement ses parois de verre (à ne pas mettre à fort volume quand les enfants dorment !). Ces portraits qui constituent une mosaïque des artistes de « la » Caven touchent parfois juste : c'est le cas pour Nan Goldin. Derrière les images de sexe, qui la résument trop souvent, on a la gorge serrée en écoutant une photographe de moins de cinquante ans, qui semble avoir enterré plus d'amis de la scène new-yorkaise qu'il ne conviendrait à un centenaire. Les autres interventions sont longues, trop longues : Patrick Corillon et ses drôles de trotteuses, Claudia Triozzi en interminable plan fixe au café après sa curieuse danse de derviche. A la fin, on en perd le fil. Entre propos décousus et one-man-show, on ne sait plus très bien ce qui réunit ces artistes…


 Rafael Pic
05.10.2001