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Patrimoine

Les frises du Parthénon au tribunal ?

Nouvelle escalade dans l’affaire des marbres conservés au British Museum: après la prise de position du directeur du Victoria & Albert Museum et la pétition de députés et d'intellectuels pour le retour des sculptures, on annonce une action en justice.


Figure de dieu fluvial (Ilyssos ?),
fronton occidental © The British Museum
«Une chose nous a véritablement scandalisés : que l’on ose dire que si l’on prêtait les marbres à la Grèce pendant les Jeux Olympiques, ils ne seraient jamais rendus. Les Grecs sont tout sauf des voleurs !» s’exclame George A. Lemos. Ce courtier maritime, installé à Londres, fait partie d’une fondation récemment constituée, le Parthenon Marbles Trust, qui comprend notamment des armateurs, un député du parti Nouvelle Démocratie au Parlement grec, M. Lykourezos, et des avocats chevronnés, les QC (Queen’s Cousels). Son objectif ? Lever des fonds et demander le retour des frises du Parthénon par des moyens plus musclés. «Le gouvernement grec ne veut pas entendre parler d’action devant les tribunaux. Il veut continuer à demander poliment le retour des marbres. On a vu le résultat : c’est systématiquement un «non» résolu. Il existe en Grande-Bretagne un système juridique qui fonctionne, sans ingérence du gouvernement. Nous avons décidé d’y recourir» poursuit George A. Lemos.


Sculpture provenant du côté gauche du
fronton oriental, représentant Dionysos
ou Héraclès, appuyé sur une pierre
recouverte de son habit ou de la peau
d'un animal © The British Museum
Mais comment faire condamner le British Museum ou le gouvernement britannique à restituer les fameuses pièces ? C’est toute la difficulté de l’exercice. David Charity, un avocat spécialisé en affaires maritimes, qui parle le grec, «senior partner» de Mahoney Mea, s’est engagé à mener l’affaire à son terme. «Lors d’un récent voyage en Grèce, mon fils, qui est également avocat, m'a demandé : «Pourquoi les marbres du Parthénon sont-ils à Londres et non ici ?» Le soir, lors d'un dîner, la discussion a roulé sur le thème. Et nos hôtes nous ont dit : «Puisque vous êtes un avocat connu, pourquoi ne les faites-vous pas revenir ?» Ce que nous ferons !» Le point central de la stratégie de David Charity porte sur la propriété : lorsque Lord Elgin fait don, en 1816, des frises au British Museum, il n’en est pas le propriétaire. Il s’agit aujourd'hui de le démontrer, notamment en poussant le propriétaire réel, le Parthénon, à les réclamer. «Le conservateur de l'Acropole, M. Pantelarmis, va nous écrire une lettre dans ce sens, tonne David Charity. Un point de la jurisprudence anglaise est capital à cet égard, c'est l'affaire Bumper Development Corporation vs Commissionner of the Metropolitan Police de 1991. Les tribunaux ont jugé qu'un temple indien auquel on avait dérobé des statues, qui avaient fini chez un antiquaire londonien, pouvait agir en justice à condition que la législation indienne lui accorde la personnalité juridique. Nous allons procéder de même : dans la loi grecque, les temples possèdent également la personnalité juridique !»

David Charity prétend profiter d'un changement de discours du British Museum. Celui-ci, par la voix de son directeur, s'était toujours défendu comme étant le gardien («custodian») des frises. Il s'est récemment présenté comme détenteur de la propriété légale («legal ownership»). Si David Charity réussit à démontrer à la barre du tribunal que cette prétention est abusive, le British Museum pourrait être condamné à restituer les marbres. Nous avons contacté la direction du British Museum, qui n’a pas souhaité faire de commentaire. Pour l’actuel directeur, Robert Anderson, qui a affirmé à plusieurs reprises que les frises resteraient au musée et qu’elles ne seraient pas prêtées à la Grèce, l’acte de propriété ne fait aucun doute et a été entériné par une loi (Act of Parliament) de 1816. Tout en s'étonnant que la Grèce construise un musée pour les marbres alors qu'elle n'a fait parvenir aucune demande de prêt au British Museum, Robert Anderson se demande, avec une ironie caustique, si la Grèce n'aurait pas davantage intérêt à protéger les autres frises du monument, dont «quatorze blocs de la frise occidentale, qui ont été démontés en 1993, après avoir été endommagés par les intempéries, et qui n'ont pas été revus en public depuis.». Il a par ailleurs souligné dans un comuniqué que si le British Museum est propriétaire de ses collections, il n'a pas la liberté d'en disposer. Le ton se durcit mais le suspense continue…


 Rafael Pic
13.02.2002