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Marché

Arp dans le sillage de Breton

L’étude Calmels-Cohen propose une nouvelle vacation thématique, consacrée à la collection réunie par le frère de Jean Arp.


Jean Arp Fleur-manteau, 1916
© Calmels-Cohen
PARIS. Le « timing » de la vente semble idéal, après les spectaculaires remous médiatiques de l’affaire Breton. Pourtant, le commissaire-priseur Cyril Cohen jure qu’il ne s’agit que d’une coïcidence. «Cette vente aurait dû avoir lieu il y a cinq ans. Mais l’association allemande Arp s’y était opposée et avait contesté la validité du testament. Elle a perdu en première instance il y a trois ans et en appel en octobre dernier. Nous avons placé la vente dans notre calendrier dès que nous l’avons pu.» L’essentiel de la collection de François Arp est évidemment consacré à l’œuvre de son frère Jean, ou Hans (1886-1966). «Ils étaient très proches, explique Marie-Laure Amrouche, l’un des experts. Il y avait entre eux un peu le même rapport qu’il pouvait y avoir entre Théo et Vincent Van Gogh. François, le frère aîné, se sentait une responsabilité vis-à-vis de Jean, qu’il protégeait et à qui il fournissait du matériel.» La centaine de pièces, dont les prix varient entre quelques centaines d’euros (pour un recueil de poèmes de Tzara, publié en 1946) jusqu’à 600 000 euros (pour la toile Composition statique de 1915 ou Fleur-manteau, un relief en bois de 1916) couvre toute la carrière de Jean Arp. Elle débute avec les très rares broderies de 1914 pour finir avec les sculptures des années 1960, qui témoignent d’un appétit intact : l’artiste se mesure alors à l’aluminium, après avoir expérimenté le bois, le marbre, le bronze, le papier et la ficelle, après avoir écrit des poèmes, après avoir conçu, avec Théo van Doesburg et Sophie Taeuber, le célèbre cabaret de l’Aubette à Strasbourg… Créateur polymorphe, Arp a tour à tour touché au dadaïsme - il est à Zurich avec Tzara à l’époque du Cabaret Voltaire - et au surréalisme, à l’abstraction et à l’art concret, au constructivisme… Dès 1924, il rédige d’ailleurs avec Lissitzky une très avant-gardiste histoire de l’art moderne, ironiquement intitulée Les ismes. «Détournez-vous des styles. Nous réclamons l’abolition des styles pour atteindre au Style » proclamait-il. La collection ne pouvait manquer de pièces de tous ses proches, de Picabia, qui le disait «sensible comme une antenne de papillon», de Raoul Hausmann, de Miró. Et, évidemment, de l’épouse bien aimée, Sophie Taeuber-Arp, dont la mort accidentelle, en 1943, le marquera de façon indélébile.


 Rafael Pic
12.06.2003