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Musées

Ce monde qui nous entoure

A la fondation Lambert, en seize stations qui ménagent des rapprochements inattendus, le critique Eric Troncy dissèque à sa façon le monde contemporain.


Coollustre, vue de l'exposition,
collection Lambert
© Pascal Martinez
AVIGNON. Comme les deux volets qui l’ont précédée au Magasin de Grenoble et au musée de Leipzig, l’intitulé de la présente exposition, « Coollustre », est inspiré d’une crème anti-rides : affirmation ludique d’un déridage en beauté des pratiques d’exposition. Éric Troncy, co-directeur du Consortium de Dijon, a rassemblé des œuvres provenant de collections publiques et privées pour proposer en seize salles autant de saynètes qui embrassent les thèmes dominants du monde contemporain : religion, séduction, guerre, mort, espace, fête… C’est ainsi que, dans la troisième salle, un moine noir, sculpture de Katharina Fritsch, a la tête dans les étoiles d’une photographie grand format de Thomas Ruff et tourne le dos à une peinture murale de Sylvie Fleury sur laquelle est reproduite la marque Égoïste. Ces trois œuvres entretiennent une double discussion : formelle - elles jouent toutes avec la couleur noire - mais aussi narrative puisqu’il s’agit, à partir de pratiques artistiques singulières, de tenir un discours sur le monde contemporain, ici sur les turpitudes du fanatisme religieux. On peut retrouver un point de vue tout aussi percutant sur certaines formes d’art, comme les peintures murales de Sol LeWitt, qu’Eric Troncy a attaquées dans plusieurs textes critiques. Dans une des salles, la juxtaposition d’une série de toiles sur le thème de la mort par Bernard Buffet avec un « wall drawing » entend montrer combien cette dernière forme est une dégénerescence artistique. « Coollustre » s’achève par une confrontation entre un néon de Claude Lévêque constitué de la phrase «Nous sommes heureux» et un caisson Gucci pour chien : une critique acerbe du « sponsoring » et de ses vicissitudes. Si pour le commissaire « les œuvres tiennent rarement des commentaires sur le monde, alors que les expositions peuvent en donner », il reste à savoir si on ne dénature pas ces œuvres en les extrayant de leur contexte. Une question que « Coollustre » a le mérite de poser avec brio.


 Frédéric Maufras
28.06.2003